
Qui va payer ? Qui va payer les coûts de la sûreté aéroportuaire en France qui vont fortement augmenter avec l'intensité croissante des menaces terroristes ? Déjà la plus élevée d'Europe, la facture promet d'être encore plus salée. L'installation d'ici à 2020 d'appareils de détection d'explosifs de standard 3 pour l'analyse des bagages de soute tourne au casse-tête. Le budget de cette mesure exigée par Bruxelles en 2008 s'élève à près de 800 millions d'euros sur l'ensemble du territoire : entre 500 et 600 millions pour les aéroports parisiens de Roissy et d'Orly, et 300 millions pour les autres. Un mur budgétaire maintes fois repoussé par les gouvernements successifs.
Coût de la sûreté: 766 millions d'euros
«L'Etat regarde cela comme une poule regarde un couteau. Il serait temps qu'il s'en occupe. Il faut régler ce passage à ce standard 3 très vite », a commenté le sénateur de la Seine-Saint-Denis, Vincent Capo-Cannelas qui a présenté ce mercredi en Commission des Finances du Sénat 16 recommandations pour « une sûreté de l'aviation civile efficace et efficiente ».
Pour ce dernier, ce financement est impossible dans le système actuel. Pour rappel, le coût de la sûreté dans les aéroports (766 millions d'euros) est financé par la taxe d'aéroport incluse dans le prix du billet. Elle représente 8,65 euros en moyenne par passager. Et le coût grimpe à 11,20 euros en moyenne en ajoutant les dépenses de sûreté des compagnies aériennes et celles des services de l'Etat. Un montant supérieur à celui en vigueur dans d'autres pays européens et que financent en majorité les compagnies. En effet, même si la taxe d'aéroport est payée par les passagers, les compagnies considèrent qu'elles payent en fait la facture indirectement dans la mesure où elles absorbent son coût dans leurs tarifs.
« 78% des coûts de sûreté en France incombent aux compagnies aériennes, un niveau plus élevé que celui de nos concurrents", a rappelé Frédéric Gagey, Pdg d'Air France.
Aux Etats-Unis, l'Etat finance à hauteur de 57% les mesures de sûreté du transport aérien.
Les compagnies en ont assez des taxes
Vincent Capo-Cannelas a bien conscience que le degré d'acceptabilité des compagnies aériennes et de leurs salariés face à un nouvel alourdissement des taxes a atteint ses limites et qu'il faut imaginer de nouveaux mécanismes.
« Il y a une limite au prélèvement fiscal sur le monde aéronautique. Elle est sans doute atteinte », a-t-il expliqué. « Il faut élargir l'assiette », a-t-il ajouté en évoquant la piste d'une taxe sur le chiffre d'affaires des commerces en aéroports.
Péréquation
Pour une optimisation de la définition des coûts qui entrent dans l'assiette des dépenses de sûreté, le sénateur demande une plus grande transparence.
«Aujourd'hui, tout se fait de manière déclarative, le système est déresponsabilisant ». Vincent Capo-Cannelas préconise de mieux contrôler l'utilisation des fonds par les aéroports, soit par le régulateur (autorité de supervision indépendante), soit lors des commissions consultatives économiques (cocoéco), qui regroupent aujourd'hui tous les acteurs pour aborder les questions d'investissement et de niveau des redevances.
S'ajoute par ailleurs le sujet de péréquation avec des grands aéroports qui financent pour les petits qui n'ont pas suffisamment de trafic pour payer les coûts de sûreté. « Il faut un système qui incite les petits aéroports à développer la productivité » explique le sénateur.
La question du financement est d'autant plus brûlante qu'au-delà des détecteurs d'explosifs pour les bagages de soute, d'autres investissements pourraient intervenir au cours des prochaines années.
Trois inquiétudes
Car les menaces se multiplient et évoluent.
« Trois menaces nous inquiètent », expliquait ce lundi à Toulouse Pascal Bolot, Préfet en charge de la protection et de la sécurité de l'Etat au Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN), lors d'un colloque sur la sûreté organisé par l'ENAC (Ecole nationale de l'aviation civile). Il s'agit des MANPADs (des lance-missiles sol-air portatifs) dont un grand nombre s'est disséminé après la chute de Kadhafi en 2011, des cyberattaques contre les avions ou le contrôle aérien, et des drones, a-t-il précisé.
Une autre menace inquiète. Celle d'une attaque contre le côté « ville des aéroports », comme ce fut le cas à Bruxelles au printemps ou à Istanbul cet été. Vincent Capo-Cannelas recommande de ne pas installer de postes d'inspection filtrage à l'entrée des aéroports, pour éviter les rassemblements de personnes.Pour une meilleure efficacité, il recommande la création d'une agence de la sûreté pour le transport aérien.
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