Les Français les adorent ou les détestent. Synonymes de mobilité individuelle ou de saturation de l'espace public, selon les points de vue, les trottinettes en libre-service bousculent, au sens propre et au sens figuré. Apparues à l'été 2018 à Paris et dans les grandes villes avant la loi d'orientation sur les mobilités (LOM), elles sont désormais réservées aux plus de 12 ans, limitées à 25 km/h, interdites sur les trottoirs et conditionnées à une assurance ainsi qu'à des équipements.
Première concernée, la capitale tente de les réguler, car « ça se bagarre ». « On a un vrai problème avec le free floating », a déclaré, mi-janvier, la maire (PS) de Paris, à un lecteur du Parisien. Anne Hidalgo va donc organiser, le 2 avril, une votation où les électeurs devront répondre à la question : « Continue-t-on ou pas avec les trottinettes en libre-service ? ». Elle-même souhaite qu'« on arrête » mais « [elle] respectera le vote même s'il est contraire à ce qu'[elle] aimerai[t] ».
Concrètement, les Parisiens pourront se rendre dans des bureaux de vote, certes moins nombreux que pour les élections traditionnelles, « mais nous dévoilerons rapidement les adresses où les citoyens pourront aller voter », a déclaré, sur France 3 le 22 janvier, le premier adjoint (PS) de la Ville chargé, notamment, de l'urbanisme.
« Sur le plan de la mobilité, c'est pratique mais c'est aussi vecteur d'accidents et d'incivilités, et on peut se poser la question de la responsabilité environnementale de ces engins, a ajouté Emmanuel Grégoire.
« Avec plus de deux millions d'usagers uniques (...) ayant permis d'éviter l'émission de 700 tonnes de CO2 en 2021 dans la capitale, nous sommes convaincus que les Parisiens ont pris conscience du rôle que les micromobilités décarbonées jouent » rétorquent, dans un communiqué commun, Dott, Lime et Tier, les trois opérateurs sélectionnés en juillet 2020, dont la convention d'occupation du domaine public s'arrête fin mars.
Un argument également rejeté par le ministre des Transports qui redoute que Paris « casse un mode de transport qui peut être écologique », Clément Beaune se prononçant pour « un plan de régulation » national. La capitale n'est en effet pas la seule à rencontrer ce problème. De Bordeaux à Toulouse, en passant par Lyon, tour d'horizon dans les métropoles régionales.
À Bordeaux Métropole, six opérateurs autorisés à circuler
La métropole girondine a décidé de faire le ménage en septembre 2022. Six opérateurs - Bird, Pony, Dott, Tier, Yego et l'outsider local eDog - se partagent désormais le marché en déployant un total de 3.500 vélos, trottinettes et scooters électriques dans 24 communes de l'agglomération.
Valable pour un an renouvelable deux fois, cette autorisation instaure également une redevance d'occupation du domaine public : les opérateurs verseront 1% de leur chiffre d'affaires à la collectivité. Celle-ci évaluera le respect du stationnement, la qualité du service et le partage des données et la sécurisation des usagers.
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À Lille, la ville contre la métropole convaincue
En décembre 2022, le conseil municipal lilloise s'est prononcé contre l'arrivée des trottinettes en libre-service. L'adjoint chargé de l'espace public, Jacques Richir, justifie son refus à cause des trop nombreux accidents mais également par la physionomie de la Ville qui aurait bien du mal à composer avec 1.500 trottinettes.
Après avoir expérimenté en 2021 le semi-floating, c'est-à-dire avec des places de stationnement dédiées et obligatoires, la métropole européenne de Lille (MEL) a, elle, lancé un appel pour recenser les communes intéressées par ce modèle. 53 sur 95 ont répondu favorablement.
En février, la MEL lancera un appel à manifestation d'intérêt d'une durée d'un an, renouvelable deux fois, tant est si bien que les opérateurs seront désignés en mai, avant de se déployer à Armentières et Roubaix en juin, puis au reste de l'intercommunalité au quatrième trimestre.
À Lyon, l'encadrement prime ; la métropole pour l'interdiction
Dans la Capitale des Gaules, seuls Dott et Tier sont autorisés à faire circuler leurs appareils, dont les marchés s'achèvent en février 2023. En mars, deux nouveaux opérateurs prendront le relai, avec un cahier des charges plus resserré.
Dans la ville voisine de Villeurbanne, ville voisine, le choix a été fait d'interdire toutes les trottinettes en libre-service sur son territoire depuis 2019.
A la tête de la métropole de Lyon, Bruno Bernard, avait déclaré à Actu, fin 2022 : « Si c'était moi qui décidais, il n'y en aurait pas », appelant à mettre le sujet à débat entre citoyens. La régulation pourrait donc, un jour peut-être, venir de ce côté.
À Montpellier, Delafosse ne juge pas cela souhaitable
Depuis deux ans et demi qu'il est aux manettes de la ville et de la métropole de Montpellier, Michaël Delafosse (PS) a beaucoup avancé sur la gratuité des transports en commun ou sur l'usage du vélo, mais l'élu se dit aussi très attaché à préserver les espaces piétons.
« L'insécurité est le principal frein à l'usage des modes doux. Notre stratégie mobilités vise notamment à lever ce frein en sécurisant cyclistes et piétons sur des espaces propres, distinct de la voiture, pour l'ensemble de leurs déplacements et notamment les trajets domicile-travail. A ce titre, le déploiement des trottinettes en libre-service ne contribue pas à une clarification des espaces publics et n'apparaît pas souhaitable », affirme-t-on à la Métropole.
À Rennes, une offre de location métropolitaine
Dans la préfecture de Bretagne, où les opérateurs privés de locations de trottinettes électriques en free floating ne sont pas implantés, les déplacements en trottinette électrique représentent 8% du trafic vélo et trottinettes. Outre une campagne de communication en février, « un dispositif de signalisation spécifique est aussi en train d'être mis en place aux abords des stations de métro pour rappeler les règles de partage de la voirie et la priorité aux piétons » détaille Rennes Métropole auprès de La Tribune.
Dès 2020, la collectivité a également mis en place une offre publique de location annuelle de trottinettes électriques. « Les possesseurs ou utilisateurs de la location à l'année de trottinettes en prennent plus soin que les utilisateurs en free floating dans d'autres métropoles. Elles n'encombrent pas les trottoirs ou les espaces publics en général », ajoute-t-on à Rennes Métropole.
À Strasbourg, la ville ne répond plus aux opérateurs
« Tous les grands opérateurs de trottinettes électriques en libre-service nous ont sollicités pour implanter leurs services à Strasbourg. Nous ne leur répondons plus, c'est une décision politique qui a été prise par notre majorité.
Je vois surtout les risques et les inconvénients : les études montrent qu'il n'y a pas de report modal de la voiture vers ce moyen de déplacement. Il n'y a pas non plus de demande de la population dans ce sens.
Nous avons un système de transports en commun et un réseau de pistes cyclables bien maillés », déclare, à La Tribune, Sophie Dupressoir, conseillère municipale en charge de la ville cyclable à Strasbourg.
À Toulouse, c'est niet
Un samedi matin d'octobre 2018, les Toulousains ont eu la surprise de découvrir dans leurs rues des dizaines de trottinettes électriques en libre-service de l'opérateur Lime. Sauf que cette installation s'est faite sans le consentement de Toulouse Métropole. Colère au Capitole, qui a donc menacé de poursuites en justice pour occupation illégale de l'espace public.
Résultat, moins de 48 heures plus tard, les trottinettes électriques en libre-service avaient disparu. « Je suis contre la trottinette électrique [en libre-service] », a confié, à l'été 2022, son président Jean-Luc Moudenc Et pourtant en coulisses, l'élaboration d'un cahier des charges avait été lancée, et les sollicitations d'opérateurs voulant s'installer dans la Ville rose s'étaient multipliées.
« J'ai dû rendre un arbitrage sur le sujet au début de ce mandat. Il y a déjà beaucoup de concurrence entre tous les modes de transports, qui se chevauchent, se croisent et tentent de cohabiter. Si j'en rajoute un autre, je risque de mettre à mal le confort de beaucoup d'usagers [de notre espace public] et la sécurité d'autres. Je regarde ce qui se passe à Paris, Bordeaux et ailleurs... Je ne veux pas la même situation pour Toulouse », a justifié par la suite l'élu.
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