La Belle Forêt va vendre des crédits carbones « made in Chambord »

LOIR-ET-CHER. La startup la Belle Forêt, qui commercialise des unités de crédit carbone issues exclusivement des forêts françaises, table sur le gain de l’appel d’offre du château de Chambord pour décoller. Elle mise sur deux levées de fonds d’ici 2025 pour accompagner son développement.
Actuellement valorisée autour de 70 euros la tonne, l’unité de crédit carbone pourrait atteindre 130 à 160 euros en 2030. A la clé, une forte demande eu égard à l’objectif de neutralité carbone fixé à cette date.
Actuellement valorisée autour de 70 euros la tonne, l’unité de crédit carbone pourrait atteindre 130 à 160 euros en 2030. A la clé, une forte demande eu égard à l’objectif de neutralité carbone fixé à cette date. (Crédits : Reuters)

La Belle Forêt proposera d'ici mai des unités de crédit carbone directement liées à la préservation de la biodiversité du prestigieux Domaine national de Chambord, au nord-est de Blois. Le parc forestier, qui déploie ainsi quelque 5.400 hectares d'essences d'arbres variées, se verra ainsi appliquer la méthodologie de la startup destinée à maintenir ses puits de carbone et éviter l'émission de CO2 dans l'atmosphère.

Une liste d'actions concrètes

Gagnante en décembre 2022 de l'appel d'offre européen lancé six mois plus tôt par Chambord, la startup parisienne a mis en avant plusieurs atouts pour être sélectionnée. Construite en collaboration étroite avec des experts forestiers, sa démarche prévoit d'une part un audit précis et argumenté de la santé du parc. D'autre part, la méthodologie liste les actions concrètes à mener afin de préserver sa biodiversité. « Pour les propriétaires, cela passe notamment par le renoncement à des coupes rases de bois ou encore le maintien sur le sol d'une partie du bois mort, explique Matthieu de Lesseux, fondateur de la société. La mise en place de barrières pour empêcher les voitures de pénétrer dans la forêt figure également parmi les critères exigés, une soixantaine au total ». Elle s'appuie enfin sur une certification des organismes indépendants Veritas et Ecocert. Autant de paramètres que La Belle Forêt promeut pour installer sa plateforme tant vis-à-vis des propriétaires de forêts, soucieux de trouver de nouvelles ressources pour améliorer leur résilience, que des entreprises désireuses d'investir dans des unités de crédit carbone vertueux et de contribuer ainsi à la neutralité carbone.

La Belle Forêt a été créée en 2021 par Matthieu de Lesseux, ancien président d'Havas de 2017 à 2019. Lui-même propriétaire de 700 hectares de forêts à Gérardmer dans les Vosges, il s'est associé avec l'expert forestier Philippe Gourmain pour lancer la société. Comprenant une douzaine de salariés, la startup se positionne comme un intermédiaire entre les propriétaires de forêts et les entreprises. Actuellement en tractation avec 83 domaines privés français, selon son dirigeant, elle se rémunère via une commission de 30% sur le montant des unités d'émissions. La vente de crédits carbones estampillés Chambord à partir de mai constituera sa première opération commerciale. D'ores et déjà, Matthieu de Lesseux assure être en négociations avancées avec plusieurs groupes du CAC 40 pour en acquérir.

Visées européennes

Si le protocole de Kyoto datant de 1997 a permis l'émergence du crédit carbone en tant qu'outil de lutte contre le réchauffement climatique, force est de constater qu'il concerne majoritairement les forêts de l'Hémisphère sud jusqu'à présent. De surcroît, la fiabilité des unités en termes d'efficacité réelle pour la biodiversité est régulièrement mis en cause. Le pape François a ainsi dénoncé dès 2015 une spéculation sur le dos des pays les plus touchés par le réchauffement climatique. « Outre sa certification, l'originalité de la démarche de la Belle Forêt tient en premier lieu à la commercialisation d'unités de crédit carbone locales, car issues exclusivement des forêts françaises, poursuit son dirigeant. Ce parti pris permet aux grandes entreprises d'investir dans la sauvegarde de massifs naturels situés dans le périmètre de leurs implantations régionales. Nous souhaitons aussi toucher les ETI du Loir-et-Cher situées non loin de Chambord. Dans les deux cas, cette proximité facilite également l'implication des salariés. »

Chambord est, à l'instar des autres domaines forestiers de l'Hexagone, largement menacé par le réchauffement climatique, donnant lieu à une prise de conscience accrue depuis trois ans au niveau mondial. A côté de la séquestration du carbone, les unités de crédits vendues devraient également contribuer à l'investissement consenti pour le replantage d'arbres mieux adaptés à la hausse des températures. Il concernerait entre 20% et 50% du parc, selon Enguerran de Leusse, l'un des experts forestiers du domaine national.

Avec environ 17 millions d'hectares, la sauvegarde des forêts françaises privées constitue donc un énorme chantier en devenir, auquel compte bien participer la Belle Forêt. Afin d'accompagner son développement, la startup espère réaliser une première levée de fonds de 2 millions d'euros d'ici la fin de l'année. En 2025, la Belle Forêt compte rassembler à nouveau entre cinq et sept millions d'euros pour toucher cette fois le continent européen. Ces fortes ambitions d'expansion lui laissent envisager un chiffre d'affaires de 26 millions d'euros, assis sur un effectif de 60 collaborateurs d'ici trois ans.

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Commentaire 1
à écrit le 01/03/2023 à 10:21
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Si la forêt brule est ce que l'acheteur du crédit carbone doit le rembourser au prix du jour de l'incendie? Si y a pas une mesure comme ça ça sert a rien ce truc.

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