Lyon a choisi le porte-à-porte dans le monde entier pour attirer des emplois

2012 sera une très bonne année pour l'implantation d'entreprises dans la métropole, grâce à la stratégie de Jacques de Chilly, le patron de l'Aderly, l'agence de développement de la région. Il démarche toute la planète en ciblant les filières sciences de la vie et technologies propres.
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LA STRATEGIE Confrontée à la rareté de plus en plus grande de terrains disponibles pour implanter des plates-formes logistiques, l'Aderly prospecte de plus en plus d'entreprises de « clean tech » et de sciences de la vie.
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LE PROJET Attirer à Lyon et dans son agglomération des implantations et des créations d'emplois forcément plus « durables », car ils ne devront rien aux effets d'aubaine et au dumping fiscal pratiqué ailleurs.
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LA REALISATION Depuis que les Lyonnais ont constaté que la capitale des Gaules était absente des radars des cabinets anglo-saxons, ils vont prospecter eux-mêmes sur le terrain. Jusqu'au Japon et au Canada.

 

Si jamais le leader mondial de l'agriculture avait décidé, il y a un an et demi, d'implanter à Lyon une plate-forme logistique employant 250 personnes, il aurait pu s'adresser à Jacques de Chilly. Celui-ci, directeur exécutif de l'Aderly (Agence de développement économique de la région lyonnaise), y aurait gagné de longues et douloureuses nuits blanches. Car il n'aurait pas trouvé les 5 hectares nécessaires. Tout juste une possibilité pour 2016. Personne ne saurait donc si l'opération se ferait un jour. Or, des projets comme cela, Jacques de Chilly en a beaucoup, et même trop. « Lyon perd chaque année des centaines d'emplois car nous n'arrivons pas à trouver les terrains pour implanter les projets de logistique, explique-t-il. Avant, avec la taxe professionnelle, les maires avaient un gain financier. C'est fini. Pour eux, une plate-forme logistique, c'est un maximum de nuisances pour presque rien : les camions qui défilent, le bruit la nuit, les embouteillages... ce n'est plus vendable auprès des électeurs. » L'ennui est que Lyon, vu sa position géographique stratégique, est très demandée. Le territoire métropolitain est systématiquement quadrillé de prestataires logistiques à la recherche de terrains. « Ils cherchent en permanence, ils achètent du foncier, mais on ne sait jamais quand ils vont construire tant les élus freinent. Aujourd'hui, les maires poussent pour que l'on mette tout dans les zones d'activités loin de chez eux. Et pour les entreprises c'est souvent trop loin. »Les maires ne sont toutefois pas le seul frein aux implantations. Les « périurbains » les soutiennent. Ceux qui travaillent en ville mais ont choisi de ne pas y vivre. « Comme la ville s'étend, des entreprises qui étaient auparavant assez loin se font rattraper par les périurbains, qui ont de plus en plus tendance à les pousser dehors. Il y a peu de temps, une entreprise belge, implantée depuis des décennies dans la banlieue lyonnaise, a été obligée de déménager tant les riverains étaient devenus agressifs. Ils ont cherché 5 hectares pour se réinstaller, nous n'avons jamais pu les trouver. Ils ont changé de département. » L'histoire est symbolique : Lyon est non seulement un carrefour mais aussi, avec Saint-Étienne, un bassin de population de 2,5 millions de consommateurs qu'il faut bien alimenter. Les élus ont donc poussé les centres de logistique et les entreprises à 40 ou 50 km : à L'Isle-d'Abeau, dans l'Isère, ou à Plaine de l'Ain, dans l'Ain. « Ces deux centres marchent très bien, mais ils sont loin, ce qui n'est guère pratique pour les salariés, surtout au prix actuel de l'essence. De plus, cela crée des lieux sans âme où personne n'a envie de vivre. Du coup, les maires freinent aussi, cherchent à se diversifier, alors qu'ils ont fondé leur richesse sur ces centres. » Le moyen de s'en tirer ? Il se discute actuellement avec Jean-François Carenco, le préfet de région. Lui aussi est conscient du problème. Il mijote une « opération d'intérêt national » (OIN) pour rafler quelques centaines d'hectares autour de l'aéroport Saint-Exupéry, créer une zac et installer tout le monde !

1800 emplois directs créés en 2012

Si jamais cette OIN voit le jour, Jacques de Chilly dormira mieux. Car, pour le reste, l'Aderly a plutôt de bons résultats. Depuis 1974, en moyenne, elle a entraîné la création d'un millier d'emplois par an à Lyon. Près de 40000 emplois générés par les investisseurs étrangers s'implantant à Lyon depuis l'origine. Et 2012 sera un bon cru - voire un cru exceptionnel, au vu des perspectives 2013 : 65 nouveaux projets attendus cette année, avec 1800 emplois directs. Et du beau monde : Louis Dreyfus (LD Commodities), le géant du négoce des matières premières, qui vient d'implanter son centre de décision à côté du parc de la Tête d'Or (150 emplois en trois ans) ; la Bank of China, qui va inaugurer prochainement sa direction régionale rue de la République, en plein centre-ville (35 emplois à trois ans), ou encore Mapei, une société italienne qui ouvre une unité industrielle de fabrication de colle (50 emplois).

La leçon bien apprise de quelques douches froides

Ces entreprises, l'Aderly est allée les chercher. Du moins la majorité : 75 % des projets implantés viennent de l'étranger et parmi eux la moitié ont été détectés. C'est un travail de Romain issu d'un simple constat. Car Jacques de Chilly vient de la Datar et, dès 2000, il y avait compris qu'il ne servait plus à grand-chose de se battre pour implanter des entreprises industrielles étrangères en France. C'était du « temps perdu, se sou-vient-il. La dernière grande implantation étrangère en France, c'est Toyota à Valenciennes, il y a quand même quinze ans ! ». Depuis, pas grand-chose. Et surtout quelques douches froides. Ainsi, lorsque l'Aderly perd, il y a trois ans, le nouveau centre international d'Interpol. Les Lyonnais avaient tous les atouts en main, un dossier en béton armé, ils avaient convaincu Nicolas Sarkozy de faire un geste et, au dernier moment, Singapour a cassé les prix : alors que Lyon offrait le terrain aux policiers, Singapour leur a offert le terrain et le bâtiment ! L'investissement de 175 millions de dollars leur est passé sous le nez. Les Lyonnais en ont perdu d'autres, comme une énorme implantation photovoltaïque, partie en Malaisie, la main-d'?uvre y étant moins chère, ou le data center de Google, désormais installé à Riga.

« On va voir nous-mêmes, et on passe... »

« En fait, nous ne passons pas dans les tableaux Excel des consultants anglo-saxons, explique Jacques de Chilly. Donc on va voir nous-mêmes, et on passe. Jamais personne n'avait par exemple dit à une entreprise canadienne comme Wesport que Lyon existait. Ce leader des moteurs à gaz hésitait entre Göteborg et Munich. C'est le patron de Renault Trucks qui nous l'a indiqué. On est allés à Vancouver et on leur a montré notre filière camions et le pôle de compétitivité. Jamais un consultant ne leur avait parlé de nous. Jamais un consultant n'avait non plus parlé de nous aux Japonais de Cellseed, une start-up de biotech. On est allés les voir avec Odile Lamour, une ponte des Hospices civils de Lyon. Aujourd'hui, ils sont là. Nous nous servons beaucoup de nos grands médecins ou chercheurs lyonnais pour ''draguer'' à l'étranger. »Ça marche, mais c'est long. Avec Olympus Corporation, un fabricant japonais de matériel médical, les premiers contacts ont eu lieu en 2004 avec le responsable de la médecine régénératrice. C'est la connaissance qu'avait ce dernier des travaux d'Odile Lamour qui a permis de lancer le dossier sérieusement. Mais Olympus Corporation a mis huit ans avant d'installer, en février de cette année, sa filiale au c?ur de Lyonbiopôle, le pôle de compétitivité créé en 2005. Très long, ça l'est encore plus lorsque l'Aderly doit s'occuper des études des enfants des immigrants, parfois de trouver un travail aux conjoints, bref, de tout organiser. Un travail de fourmi qui accompagne la stratégie lyonnaise autour de ses deux axes de développement : les clean technologies et les sciences de la vie, le c?ur de l'activité lyonnaise.

« Un bon produit », mais 2013 s'annonce morose

« Bien sûr, ça tangue beaucoup aujourd'hui, mais on sait que c'est l'avenir, donc on continue. » Et pas n'importe comment. Dans le sérieux, le stable : « Nous ne pouvons pas nous battre fiscalement contre les autres pays, soupire-t-il. À Lyon, nous ne faisons pas de cadeaux de cette nature aux investisseurs étrangers. C'est peut-être pour cela que les investissements qui sont faits chez nous sont plus pérennes qu'ailleurs. Lyon est un ''bon produit'', il est plus facile à vendre que d'autres. »N'empêche, la crise menace. Le travail de l'Aderly, c'est aussi de sécuriser l'emploi. Le meilleur exemple est l'équipementier automobile Bosch, qui avait besoin de nouveaux développements. Bosch était déjà à Vénissieux. C'est l'Aderly qui a travaillé avec les Allemands pour que le site de panneaux photovoltaïques soit bien implanté dans la même banlieue lyonnaise. 200 emplois qui s'ajoutent aux 1200 actuels pour que Lyon devienne finalement le deuxième centre de production au monde de Bosch, après Erfurt. L'Aderly traite environ 400 projets par an et en réalise 15 %. Mais 2013 s'annonce morose : le nombre de projets est moindre, les temps de décision des entreprises s'allongent de plus en plus et, les emplois, il va falloir aller les chercher un par un, « avec les dents ».

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Le petit moral des agences de développement

Les agences de développement économique ont un petit moral. D'abord parce que, de réforme territoriale en réforme territoriale, personne ne sait plus très bien quelle collectivité locale va garder la compétence économique (et, donc, pouvoir monter une agence ou continuer à la financer). Ensuite parce qu'avec la suppression de la taxe professionnelle par Nicolas Sarkozy, beaucoup de collectivités ne voient plus l'intérêt de faire du développe-ment économique, puisqu'elles n'en tirent plus de bénéfice fiscal. Enfin parce que la crise est passée par là et que tous leurs budgets sont en baisse.Quelques-unes ont même perdu jusqu'à 30?% de leur financement. Elles sont une centaine en France, emploient 1?500 salariés en tout, leur budget moyen est de 1,5 million et elles seront en congrès les 20 et 21 septembre prochains à Vichy. Leur objectif : resserrer les rangs (beaucoup d'agences mutualisent leurs forces pour des intercommunalités qui n'ont pas assez d'argent pour monter la leur) et regonfler le moral des troupes.

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Les grands chantiers
Lyon Confluence : 1,15 milliard d'euros investis, dont 64 % du privé. 16 000 habitants et 25 000 emplois à partir de 2015.
Aéroport Lyon Saint-Exupéry : En construction : parc immobilier tertiaire (900 emplois), centre de formation aéronautique, parc d'immeubles et bureaux sur 18 500 m2, terminal 3 low cost.Lyon.
GerlAnd : 25 000 habitants en 2010, 40 000 prévus en 2020, 124 000 m2 de bureaux en plus, deux zacs et le campus Charles-Mérieux.

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