Pour un reengineering à la française

Le reengineering n'est pas nouveau. Est-il dépassé ? Non, puisque dans une conjoncture économique durablement difficile, le changement en profondeur s'impose plus que jamais. Faut-il l'appliquer « à l'américaine » ? Certainement pas, car les différences de contexte feraient peser des risques sur le projet. En voici quelques preuves. L'Américain comprend le mot reengineering. Sans ambiguïté, ce mot évoque pour lui une finalité, une démarche et un état d'esprit qui favorisent l'adhésion au projet. En revanche, pour de nombreux Français, le mot reengineering évoque au mieux un « gadget business », panacée de la résolution des maux de l'entreprise ; au pire, il cache la préparation d'un plan social qui ne voudrait pas dire son nom. Là où l'Américain s'approprie les slogans de sa hiérarchie tels que « World Class Performance Project » ou « Best in Class Program », le Français veut du réalisme, tant dans les objectifs que dans les échéances. Là où l'Américain, positif par nature, est partant pour des projets ambitieux, le Français est plus sceptique et donc plus difficile à mobiliser. Là où l'Américain, sachant que sa situation personnelle peut être revue, parvient à des remises en cause de ses façons de faire, le Français, plus individualiste, reste soucieux de préserver sa position et, de ce fait, un faible contributeur au changement. Cette capacité de remise en cause s'exprime dans la recherche des potentiels de progrès. Même s'il travaille pour IBM, l'Américain croit qu'il peut apprendre de Domino's Pizza, alors que le Français reste convaincu que son métier est unique, incomparable, si ce n'est à celui de son plus proche concurrent. Faut-il alors considérer que le reengineering est inadapté aux entreprises françaises ? Non. Au contraire. Il est même nécessaire. Dans ce cas, comment trouver un terrain d'application dans l'entreprise française. En respectant quelques règles fondamentales : - objectifs quantifiés, - implication visible de la direction générale, - mobilisation des meilleurs collaborateurs, - enjeux cibles à moyen et long terme, - concrétisation de gains à court terme. Il faut en outre respecter deux conditions d'application supplémentaires pour contourner le scepticisme français : - définir a priori les normes et les règles de comparaisons internes et/ou externes afin d'en rendre les résultats incontestables, - fixer des objectifs jugés réalistes et atteignables parce qu'issus d'un travail d'évaluation préalable. Enfin et surtout, il convient de traiter la contrainte de mise en oeuvre la plus fréquente du reengineering en France : les impacts sociaux. Pour cela, un dialogue suivi doit être engagé avec les partenaires sociaux et les instances publiques pour définir puis déployer des solutions qui rendent l'opération réalisable. Le respect de ces règles permettra d'assurer le succès de l'opération de reengineering. Plus généralement, c'est la philosophie d'approche du reengineering que les dirigeants d'entreprise doivent considérer : le reengineering est d'abord un état d'esprit qui amène à reposer la question de la valeur ajoutée à propos de tout ce qui constitue l'entreprise. Sa cible est donc large : s'il concerne le plus souvent les processus de fonctionnement et touche les structures, il doit aussi s'appliquer à la finalité même de l'entreprise - sa stratégie et son offre - pour préparer son avenir.
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