Concilier efficacité économique et cohésion sociale

Pendant près d'un siècle, l'accroissement du rôle de l'Etat dans le domaine économique et social est apparu légitime. Il accompagnait un progrès économique, scientifique et technologique sans précédent. Le préambule de la Constitution de 1946 en est la manifestation juridique la plus éclatante dans notre pays. Au nom de la nation, la légitimité du rôle de l'Etat était reconnue. L'action du général de Gaulle, après la guerre, n'hésitant pas à nationaliser les banques, en témoigne. L'Etat doit aujourd'hui s'adapter à un nouveau contexte. L'intervention publique a montré ses limites. Le bilan de l'Etat, opérateur économique direct, n'est guère satisfaisant, même s'il existe des exceptions. Sur le plan financier, les Etats sont appauvris. La dérive financière des budgets publics est de nature, si elle n'est pas enrayée, à remettre en cause notre potentiel de croissance économique. Conséquence ou cause de cette situation, les prélèvements obligatoires atteindront en 1996, 45,7 % du PIB, c'est le plus haut niveau, avec l'Italie, dans les sept pays les plus développés. La légitimité de l'intervention de l'Etat est mise en cause. Le débat actuel sur les aides à l'emploi, indépendamment de son contenu budgétaire, montre qu'il faut veiller au fonctionnement normal de l'économie pour éviter les « effets d'aubaine », sources d'inégalités. L'internationalisation des économies rend chaque Etat plus impuissant. Le développement des échanges internationaux sur la base du libre-échange a conduit à limiter le rôle de l'Etat dans l'économie. Les marchés financiers sont devenus « incontrôlables ». Les règles du commerce international prohibent les subventions et les interventions publiques. L'Union européenne a su accompagner cette évolution en son sein, non sans difficulté ni débat. En revanche, face au reste du monde, les Etats demeurent impuissants. Or la France est le quatrième exportateur mondial et un Français sur quatre travaille pour l'exportation. La société est fragilisée par le chômage et ses conséquences. Plus de trois millions de personnes - un actif sur dix - sont concernées. Or, dans nos sociétés, l'emploi, le revenu et le statut qu'ils procurent, est le « sésame » de l'intégration et de l'autonomie. Les solidarités traditionnelles - famille, églises et même syndicats - ont perdu leur place. L'homme a besoin d'un savoir de plus en plus technique car les emplois sont de plus en plus qualifiés. Seul l'Etat peut apporter à tous les moyens de l'acquérir. L'Etat doit être efficace, régulateur, innovant Efficace, c'est-à-dire qu'il doit être économe des deniers publics. Est-il normal que, depuis 1980, seul le secteur public ait été créateur d'emplois ? La France est le seul pays développé à avoir connu cette évolution et c'est celui où le chômage est le plus élevé. L'Etat doit être régulateur aussi bien dans le fonctionnement de l'économie que dans les relations de travail. En revanche, s'il appartient à l'Etat de définir les principes généraux et les règles, leur application doit revenir aux opérateurs privés. Le besoin de renforcement du dialogue social et des syndicats dans les entreprises, comme dans les instances paritaires est incontestable. L'Etat doit mettre en place tout ce qui favorise la croissance et la compétitivité. C'est le sens de la politique de baisse des impôts et des charges sur les bas salaires. En effet, sans croissance, rien n'est possible. On le voit bien depuis 1992. L'Etat doit aussi être régulateur des inégalités. Il doit préserver salaire minimum et revenu minimum, veiller au maintien du droit à la santé, du droit à la retraite, du droit des familles, du droit à la formation. L'Etat doit aussi être régulateur sur le plan international, il faut regretter le retard pris par l'Europe sociale. En outre, dans le commerce international, la dimension sociale reste mal prise en compte. Sur ces sujets, seul les Etats peuvent agir, ils doivent le faire. Enfin, l'Etat doit être innovant. De même que l'Etat doit agir pour financer les infrastructures ou la recherche, il doit agir pour favoriser l'innovation sociale. C'est ce que le général de Gaulle avait bien compris avec les ordonnances sur l'intéressement et la participation. Les débats actuels sur le temps de travail montrent bien qu'il existe des pistes d'innovation. L'éducation, la formation sont autant de thèmes sur lesquels l'esprit d'innovation peut s'exprimer. Plus que jamais, l'Etat doit être présent. Il ne faut pas qu'il soit omniprésent. Il n'en a d'ailleurs plus les moyens. Mais sans lui, la cohésion sociale, menacée par le chômage, l'insécurité, ne peut être maintenue. Sans un Etat républicain respecté, il n'y a pas de nation unie.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.