L'attrait de l'Alsace irrite l'Allemagne

Tout est parti d'un simple fax adressé par l'ADA (Agence de développement d'Alsace) à la société allemande Hotzenblitz. Son contenu : l'énumération exhaustive et lapidaire des nombreux avantages d'une implantation sur le bassin potassique afin de répondre au souci de cette entreprise, spécialisée dans la construction de moteurs électriques, d'implanter dès le début 1997, quelque part en Europe, une chaîne de montage d'une future petite voiture électrique. Avec, à la clef, la création de 200 à 300 emplois. « Un dossier rudimentaire », le « tout venant quotidien », estime-t-on à l'ADA où l'on parle de « non-événement ». Classé par Bruxelles en zone de reconversion industrielle (objectif 2), le bassin potassique permet notamment aux investisseurs de bénéficier d'une exonération de taxe professionnelle pendant cinq ans et d'aides financières pouvant aller jusqu'à 100.000 francs par emploi créé. Des avantages auxquels s'ajoutent des coûts salariaux alsaciens inférieurs de 20 à 25 % à ceux pratiqués en Allemagne, la présence d'une main-d'oeuvre qualifiée et de culture franco-allemande, un prix de terrain jusqu'à quatre fois moins élevé qu'en Allemagne, etc. Côté allemand, la réaction ne s'est pas fait attendre par la voix des représentants de la chambre des métiers de Fribourg. Dans un courrier adressé à la mi-novembre à tous les élus alsaciens, le président Martin Lamm et le directeur Kuno Zeller n'ont pas hésité à parler de « concurrence déloyale » et de « débauchage agressif » pour qualifier la politique de prospection d'entreprises allemandes par l'Alsace tout en appelant à « une politique de partenariat juste et équitable ». Une polémique inédite, bientôt relayée par le député européen de la CDU, Karl von Wogau, qui a déposé une demande auprès de Bruxelles à la fin décembre pour vérifier la conformité des aides alsaciennes à la réglementation européenne. La réponse est attendue pour la fin janvier. Signification symbolique. En Alsace, cette réaction a surpris. Le président du conseil régional d'Alsace, Marcel Rudloff, s'est contenté de regretter « le manque de fair-play » des voisins allemands, tout en se déclarant persuadé de la légalité des aides proposées par la région aux investisseurs étrangers. « Cette nervosité allemande est à analyser dans le contexte de l'implantation de la Swatchmobile en Lorraine, précise André Klein, directeur de l'ADA. Les Allemands ont eu beaucoup de mal à admettre que Mercedes choisisse la France plutôt que de rester en Allemagne. » Bien que largement surdimensionnée, la polémique actuelle revêt une signification symbolique forte. « Avant, la France et l'Alsace ne jouaient pas dans la même division que l'Allemagne, poursuit André Kelin. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le Standort Deutschland - c'est-à- dire l'Allemagne comme site d'implantation - n'est plus aussi compétitif. » La grogne allemande est d'autant plus compréhensible que la liste des implantations allemandes en Alsace n'a cessé de s'allonger au fil des ans. Jusqu'à ce cas d'école incarné par la société allemande de fabrication de panneaux de portes, Alu Noblesse, qui décidait tout bonnement de franchir le Rhin avec ses 100 salariés en septembre 1994. Au total, ce sont plus de 150 entreprises allemandes (soit environ 20.000 emplois) qui profitent des avantages multiples d'une implantation en Alsace, alors que le Land du Bade-Wurtemberg perd de nombreux emplois industriels. « En tant qu'industriel européen, je suis libre de m'installer où je le veux », insiste Thomas Albiez, directeur de Hotzenblitz, lui aussi étonné de la polémique lancée par la chambre des métiers de Fribourg. Et de conclure : « Si les Allemands ne peuvent s'aligner au niveau des aides, c'est un problème purement allemand. » Jacques Trentesaux, avec Olivier Mirguet, à Strasbourg
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