Les taureaux de Camargue couronnés d'un label AOC

Les taureaux de Camargue viennent d'obtenir la première appellation d'origine contrôlée (AOC) décernée pour une viande. C'est une véritable révérence de l'élevage extensif devant l'intensif. L'épizootie de la « vache folle » n'est-elle pas née de dérives productivistes dans les élevages de vaches à lait ? Et, ironie de l'histoire, elle menace d'anéantir non pas la production du lait mais celle, extensive, de la viande. Le label AOC pour les taureaux camarguais couronne deux siècles de traditions. Depuis plus de deux cents ans, les soixante-dix éleveurs de Camargue destinaient leurs animaux aux courses à la cocarde, ignorant le commerce de la viande. « Nous étions persuadés qu'un marché existait pour des produits originaux, affirme Olivier Roux, directeur de l'abattoir de Tarascon, à condition d'obtenir une bonne identification de la viande. » En 1989, Olivier Roux fonde l'Association de promotion de la viande bovine de Camargue (de race Brave ou Camargue). « A l'époque, le contrat se négociait 10 à 12 francs, nous n'arrivions pas à vendre les deux ou trois bêtes abattues chaque semaine. » Il contourne l'obstacle en proposant des produits transformés : saucisson, jambon. La charcuterie devient alors le moteur de la commercialisation du taureau de Camargue. « Nos clients achetaient du saucisson puis passaient ensuite à la viande. » Très vite, le produit déborde de la restauration pour gagner la grande distribution et le commerce de proximité. « En 1992, des producteurs sont venus proposer de la viande de taureaux élevés hors de Camargue. Privés de reconnaissance officielle, nous ne pouvions rien faire. L'AOC va nous permettre d'assainir le marché. » Des critères extrêmement rigoureux pour l'appellation Aujourd'hui, une trentaine de bêtes sont abattue chaque semaine, puis vendues 18 à 25 francs le kilo. 40 % de la viande sont transformés en charcuterie. Les critères retenus pour obtenir l'appellation sont extrêmement sévères : pas plus de deux bêtes pour trois hectares, un cahier des charges précis pour l'abattage ; et surtout un manadier doit prouver, factures à l'appui, la persistance de son activité de loueur pour des courses. « L'animal n'étant pas sélectionné de génération en génération pour faire de la boucherie, sa morphologie est différente, constate, Jacques Bon, manadier au mas de Peint. Il est relativement petit, avec plus d'avants que d'arrières. Ses caractéristiques sont restées primitives, sauvages. Sa viande, de couleur grenat, sans graisse mais tendre, au grain extrêmement fin, possède un goût unique : les animaux se nourrissent par eux-mêmes d'herbes aromatiques qu'ils trouvent dans les pâturages. » Le commerce de la viande représente en moyenne un tiers du chiffre d'affaires réalisé par les manadiers. « La viande de taureau constitue un atout important dans mon activité », précise Jacques Bon. « Après la ferrade et les jeux gardians, je régale les clients de mon hôtel de cuisses de taureaux à la broche. Avec la viande restante, je fais du boeuf gardian [daube] qui est ensuite commercialisé en grande surface. La Camargue n'est pas extensible, et l'élevage extensif interdit un développement important du cheptel [15.000 têtes]. Nous ne désirons pas vendre plus mais mieux, précise Olivier Roux. Sans tomber dans les excès de l'autruche ou du bison. Les enseignes Auchan, Géant ou Casino nous distribuent dans la région. A terme, nous voulons que le taureau camarguais soit présent dans toute la France. » GÉRARD TUR, À MARSEILLE
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