Russie : Tchernomyrdine rêve d'en découdre avec Lebed

Viktor Tchernomyrdine, le fidèle Premier ministre de Boris Eltsine, va rester aux commandes du gouvernement. Cette décision du président russe, au lendemain de sa réélection, est sans surprise. L'ancien directeur de Gazprom, l'une des premiers entreprises russes, l'a soutenu sans faille pendant la campagne électorale et apparaissait comme le candidat le plus sérieux, après le limogeage d'Oleg Soskovets - le numéro deux du gouvernement -, à la veille du second tour. En renouvelant sa confiance au Premier ministre, Boris Eltsine règle certes un problème important, mais il lui reste à arbitrer la rivalité désormais ouverte entre Viktor Tchernomyrdine et le général Lebed. Le nouveau secrétaire du Conseil de sécurité a en effet clairement affiché ses ambitions. Il a réclamé des « pouvoirs accrus » pour s'attaquer aux problèmes de sécurité qui s'étendent, dans son esprit, jusqu'à la sphère économique. Alexandre Lebed a certes eu toute latitude pour exposer, avant le second tour, son programme, qui englobe les secteurs bancaire et énergétique. Car il pesait 11 millions de voix. Mais ce lendemain d'élection pourrait lui réserver de mauvaises surprises. Le bouillant général, encore novice en politique, n'a en effet pas pris la précaution de s'assurer de fonctions autres que consultatives. Et Viktor Tchernomyrdine a bien remis les choses en place hier. « Je n'ai pas l'inten- tion de céder de mes pouvoirs à qui que ce soit », a-t-il dit d'un ton ferme. C'est donc maintenant à Boris Eltsine de trancher. Mais cette bataille ne saurait être réduite à une simple répartition de pouvoir entre deux rivaux. C'est la place de dauphin du président - à la santé chancelante - qui est en jeu. Viktor Tchernomyrdine ayant laissé entendre hier qu'il pourrait être candidat à la prochaine élection présidentielle, prévue en l'an 2000. « Il y a de la place pour tous ceux qui veulent travailler » Dans l'immédiat, le Premier ministre concentre son attention sur la composition de sa future équipe. « Je pense qu'il y aura rapidement un nouveau gouvernement, a-t-il déclaré hier. Et comme l'a dit Boris Eltsine, il y a de la place pour tous ceux qui veulent travailler. » Cependant, cette ouverture est toute relative, le Premier ministre ayant clairement précisé qu'« il ne s'agira pas d'un gouvernement de coalition ». Guennadi Ziouganov a certes recueilli 40 % des des voix, contre 53 % pour Boris Eltsine. Mais Viktor Tchernomyrdine a avoué « ne pas comprendre ce que veut dire une coalition, si c'est pour que chacun y défende les intérêts de son parti ». En fait, les nouveaux venus au gouvernement seront « des professionnels, des gens capables », qui, a-t-il ajouté, « pourront appartenir à d'autres partis » mais « prendront tous la même couleur ». Selon des informations de source diplomatique, Vladimir Kadannikov, le premier vice-Premier ministre en charge des questions économiques, deviendrait le numéro deux du gouvernement. Mais le poste clé de ministre des Finances pourrait être confié à Mikhaïl Zadornov, qui est membre du mouvement réformateur dirigé par Grigori Iavlinski, ce candidat à l'élection présidentielle qui a refusé de soutenir Boris Eltsine au second tour. Mikhaïl Zadornov est un économiste qui a montré ses compétences à la tête de la commission du Budget, à la Douma. Si Viktor Tchernomyrdine n'a donc pas attendu les résultats du second tour pour réfléchir à la composition de son prochain gouvernement, il se réserve toutefois du temps, « une semaine à dix jours », pour présenter les priorités de son action. Et aussi, manifestement, pour régler le cas Lebed. BRIGITTE BREUILLAC, À MOSCOU
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