Foxconn plus fort que ses commanditaires

Sauf à être absolument rétif à toute forme de technologie, chacun a très probablement chez soi ou sur soi un produit fabriqué par Foxconn, en partie ou en totalité. La console Wii de Nintendo, la PS3 de Sony ou la Xbox de Microsoft, c'est du Foxconn. L'iPhone et l'iPod d'Apple, les téléphones Motorola ou Sony Ericsson, encore Foxconn. Certaines lignes de PC, HP ou Dell, sont fabriquées par Foxconn. Idem pour le livre électronique Kindle d'Amazon.Peu connue du grand public, et bien décidée à le rester, Foxconn a été créée avec 7.500 dollars en 1974 à Taiwan par Terry Gou, entrepreneur discret mais ambitieux, admirateur déclaré du conquérant Genghis Khan. Trente-cinq ans plus tard, l'entreprise est devenue le premier sous-traitant mondial de l'industrie de produits électroniques et le premier exportateur chinois toutes catégories confondues, avec un chiffre d'affaires qui dépasse celui de certains de ses prestigieux clients (plus de deux fois celui d'Apple par exemple).stratégie de volumeJean-Laurent Poitou, responsable mondial du secteur de l'électronique et des hautes technologies pour Accenture, relève la singularité du modèle Foxconn. « Pour l'essentiel, les grands noms de l'électronique taiwanaise, HTC, Asus et Acer, ont adopté une stratégie de marque, que les consommateurs reconnaissent. Foxconn, au contraire, a préféré une stratégie de volume, qui est d'apparaître nulle part pour travailler partout. » Résultat, dans la bataille acharnée que se livrent Nintendo, Sony et Microsoft dans les consoles de jeux, « l'industriel qui gagne à tous les coups, c'est Foxconn », salue Jean-Laurent Poitou.À ses débuts, l'entreprise taiwanaise fabriquait près de Taipei des boutons en plastique pour téléviseurs. Dans les années 1980, Foxconn s'est positionnée sur le marché naissant du PC. Dès 1988, Terry Gou installait sa première usine dans la région de Shenzen, en Chine, pour profiter des coûts avantageux de l'Empire du Milieu, tout en menant une intense prospection commerciale aux États-Unis et au Japon.Résultat : en 2000, Foxconn employait 30.000 personnes pour un chiffre d'affaires de 3 milliards de dollars. Depuis la progression de l'entreprise a été proprement vertigineuse, au grand dam de ses concurrents, laissés sur place les uns après les autres. En huit ans, portées par la tendance croissante de l'industrie de l'électronique à sous-traiter sa production en Asie, amorcée à la fin des années 1990, ses ventes ont été multipliées par 20, atteignant 61,8 milliards de dollars en 2008. Foxconn emploie désormais 550.000 personnes, plus que la ville de Toulouse ne compte d'habitants. En 2008, elle s'est classée à la 132e place du classement Fortune 500 des plus grands groupes mondiaux.Du fait des difficultés de ses clients, Foxconn doit faire l'apprentissage d'une baisse de chiffre d'affaires à laquelle sa croissance débridée ne l'a guère habituée. Sur son premier trimestre, ses ventes se sont élevées à 11,2 milliards de dollars, en baisse de 8 % sur un an.Le commandement n° 133Foxconn explique son succès par son exécution « légendaire » et un « dévouement sans compromis à ses clients ». « Le modèle de Foxconn réside dans une structure de coûts très compétitive, une intégration verticale de son appareil industriel, une stratégie d'acquisition complémentaire et une base diversifiée de clients de premier rang, comme Dell, Motorola, ou Cisco », observe Adam Pick, spécialiste du cabinet de conseil iSuppli. « Par ailleurs, au contraire de celles de ses concurrents, les opérations de Foxconn n'ont pas été pénalisées par d'importantes restructurations ou des programmes de transfert de régions à hauts coûts vers des régions à bas coûts. »Cette discrétion semble refléter le caractère de Terry Gou. « Je déteste être devenu célèbre », a ainsi déclaré Terry Gou au « Wall Street Journal », l'un des rares médias occidentaux à l'avoir rencontré. Le fondateur, qui pèserait environ 10 milliards de dollars, selon le quotidien, continue à régner en maître sur les destinées de son entreprise. Pour s'imprégner de la culture maison, les managers doivent s'approprier les pensées de Terry Gou, réunis au sein d'un petit livre que chacun se doit d'avoir lu. Le quotidien cite notamment le commandement n° 133 du maître : « Le paramètre important de n'importe quelle organisation est le leadership, pas le management. Un leader doit avoir le courage d'être un dictateur pour le bien commun. »
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