La visite d'Obama en Turquie suspendue à un mot

Barack Obama a des objectifs ambitieux pour sa visite de deux jours à Ankara et Istanbul : redonner de l'élan à une amitié mise à mal par les années Bush, regagner le c?ur de l'opinion publique turque et relancer la traditionnelle alliance stratégique avec la Turquie. Le président américain vient aussi chercher le soutien d'un pays central dans la résolution de plusieurs problèmes régionaux : l'Afghanistan, l'Irak, l'Iran, le processus de paix au Moyen-Orient. Mais si les Turcs sont demandeurs d'une telle coopération, celle-ci reste hypothéquée par une question : le président américain va-t-il tenir sa promesse faite durant la campagne électorale d'employer le terme de « génocide » pour qualifier les massacres en 1915 ? La question est d'actualité, à trois semaines de la commémoration du génocide arménien, le 24 avril, date à laquelle Barack Obama prononcera un discours très attendu. Autre question : le président américain va-t-il du même coup ouvrir la voie au vote par le Congrès d'une résolution reconnaissant le génocide ? Si ce scénario donne des sueurs froides à Ankara, farouchement opposée à la thèse du génocide, personne en Turquie n'y croit vraiment. « Si Barack Obama prononce ce mot, ce sera fatal pour les relations entre les deux pays, prédit Sami Kohen, éditorialiste du journal « Milliyet ». Obama connaît la sensibilité de la Turquie sur la question et le simple fait qu'il vienne chez nous prouve qu'il ne va pas le prononcer. »Intérêts stratégiquesPour Gün Kut, professeur à l'université du Bosphore à Istanbul, le président américain, bien que coincé entre sa promesse faite à la diaspora arménienne et les intérêts stratégiques de son pays, est en position de force. « La Turquie ne peut pas se permettre que la question du génocide tourne à la crise, estime-t-il. Les deux pays vont trouver une solution, mais le prix à payer va être très élevé pour Ankara. » Et ce prix pourrait bien être le lâchage du frère azéri, et l'ouverture de la frontière arménienne.La Turquie a fermé sa frontière en 1993 au moment de l'intervention arménienne dans la région azérie du Haut-Karabakh et associe le rétablissement complet des relations diplomatiques avec Erevan à une avancée sur ce dossier. Le climat entre Ankara et Erevan n'a jamais été aussi bon depuis la visite historique, en septembre dernier, du président Abdullah Gül en Arménie à l'occasion d'un match de football. La semaine dernière, des sources européennes ont par ailleurs dévoilé qu'un ensemble de gestes entre Ankara et Erevan pourraient être annoncés en avril avec, à la clé, l'ouverture de la frontière et alors que le dossier du Haut-Karabakh stagne. Abdullah Gül a réfuté cette information qui fait frémir d'horreur Bakou mais, de source diplomatique, on confirme ce marchandage. La solution serait en tout cas idéale pour Barack Obama, qui pourrait dès lors ne pas employer le terme de génocide sans perdre la face envers l'opinion publique américaine. n
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