Les Antilles à c ? ur

L'année 1989. Alors que la France célèbre le bicentenaire de la Révolution, les Martiniquais Édouard Glissant, Raphaël Confiant et Patrick Chamoiseau lancent un pavé dans la mare avec « le Manifeste de la créolit頻. Dans leur ligne de mire : l'idée de négritude, chère à Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. Aux yeux des trois auteurs, leurs aînés ne sont pas allés assez loin dans la défense et le témoignage de la réalité antillaise. Depuis, chacun a tracé son chemin. Ainsi, Chamoiseau a gagné le prix Goncourt en 1992 avec « Texaco ». Ils se retrouvent ce mois-ci en librairie, publiant tous trois leur dernier roman en même temps.Métaphore animaleCelui de Chamoiseau, « les Neuf Consciences du malfini », est un récit fort, original, dont le narrateur est un rapace. C'est l'occasion pour lui de se réfugier en plein ciel, au milieu des nuages, et d'en rendre compte par écrit. Quand l'énorme oiseau rencontre un colibri, il ne peut s'empêcher de relativiser. Il se voit d'abord majestueux, magnifique ; puis massacreur et bestial. Le problème fondamental du peuple martiniquais, selon Chamoiseau, c'est son acculturation, due au rattachement départemental. Son ouvrage est très abstrait, puisque l'auteur choisit la métaphore animale des volatiles. Il n'en est pas moins réussi.écriture oraleRaphaël Confiant, lui, utilise une tout autre voie pour parler du monde antillais. Il est question dans « l'Hôtel du Bon Plaisir » de multiples histoires de voyageurs ou d'autochtones qui visitent ou habitent ce lieu étrange. On y trouve des ivrognes, un vieux sage, des prostitués, un musicien haut en couleur? Mais l'ouvrage se contente de cumuler les saynètes sans surprendre, même si c'est l'occasion de retrouver une écriture très orale, propre au créole, empruntée aux conteurs, dont l'héritage est fondamental.Comme un cri émis pour la réunion des peuples, à condition qu'ils conservent leurs particularismes, l'?uvre du romancier, poète et essayiste Édouard Glissant est bien plus intellectuelle que celle de ses confrères. Avec l'essai « Philosophie de la relation », l'auteur estime aujourd'hui que la diversité du monde est une « solidarité de ses différences » et non une uniformisation. Il refuse une « littérature universelle » qui, pour lui, serait vide ou dangereuse. Difficile, complexe, son livre n'en est pas moins très pertinent, notamment dans la distinction qu'il fait entre « continental » et « archipélique ». Et c'est peut-être cet ouvrage-là qui renvoie le plus aux événements survenus aux Antilles l'hiver dernier. nÉdouard Glissant, « Philosophie de la relation » ; Gallimard, 178 pages ; 17,50 euros.Patrick Chamoiseau, « Les Neuf Consciences du malfini » ; Gallimard, 268 pages ; 16,90 euros.Raphaël Confiant, « L'Hôtel du Bon Plaisir » ; Mercure de France, 320 pages ; 18,80 euros.
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