Philip Glass,

Il est toujours là, bouillonnant d'activité, de projets, d'idées, quand il ne part pas en tournée avec le Philip Glass Ensemble pour interpréter des extraits de ses musiques de films, « la Belle et la Bête », l'un de ses trois opéras de chambre d'après Cocteau, ou reprendre « Music in Twelve Parts », l'une des pièces maîtresses de son catalogue ? dont il vient de publier une sublime troisième version discographique captée en concert. Apparu au sein de l'underground new-yorkais des années 60, le compositeur se produit alors dans les seuls lieux qui veulent bien l'accepter?: galeries d'art, toits d'immeubles, lofts. On s'y allonge, on regarde les toiles minimalistes de Sol LeWitt ou de Chuck Close accrochées au mur, ou l'on tourne autour des sculptures de Richard Serra, tout en écoutant religieusement un homme en osmose avec son instrument, l'orgue électrique. Partition pour beckettDe longues boucles se répètent à l'infini?: nous sommes ailleurs. Ni rock, ni jazz, ni musique classique, ni musique indienne, mais un peu tout cela à la fois ?: ainsi est née la musique répétitive, à laquelle s'associent également d'autres musiciens comme Steve Reich, Terry Riley et La Monte Young. Venu de Baltimore, où il est né en 1937, Philip Glass bouscule l'idée académique du musicien classique telle qu'on l'enseigne dans les conservatoires. Avec une musique qui revient à une pulsation franche et enjouée, il renoue avec toute une frange du public qui avait déserté les salles de concert, au contact d'une musique contemporaine devenue rébarbative, absconse. C'est probablement ce que l'intelligentsia des « modernes » n'a jamais « pardonn頻 à Philip Glass?: son succès immédiat et durable auprès d'un public de plus en plus vaste. De marginal, il a accédé au statut de musicien universel, passant du minimalisme sauvage et rugueux de ses premières partitions à « Einstein on the Beach », le plus sidérant des anti-opéras du XXe siècle cosigné avec Robert Wilson et Lucinda Childs en 1976. Des musiques de scène pour le théâtre de Beckett (dont il fut le premier musicien), lorsqu'il vient étudier à Paris avec Nadia Boulanger, aux accents verdiens du « Voyage », ouvrage lyrique que lui commanda le très officiel Met de New York, en 1992. Sa musique dépasse les clivages idéologiques par ses multiples sources d'inspiration, réconciliant les genres?: populaire-savant, Occident-Orient? sur un texte de GinsbergAvec Glass, on ne se pose plus la question. « L'idée même de l'opéra nécessite la collaboration de plusieurs personnes, aime-t-il à dire. C'est ce que j'ai le plus apprécié dans ?Einstein on the Beach?, cette faculté d'aller au-delà de ce que j'avais imaginé, d'être porté par une force exté­rieure qui vous fait dépasser le sujet même du théâtre. Le théâtre sert toujours la créativité en musique. Si l'on reste seul avec soi-même, on a de grandes chances de devenir fou?! Le théâtre oblige à sortir de soi-même, à donner le meil­leur de soi. Certains compositeurs ont le tort de considérer l'opéra comme une activité de divertisse­ment, même si art et amusement peuvent parfois faire bon ménage? » On ne peut que se réjouir de pouvoir assister à la première française de son dynamique « Hydrogen Jukebox », sur un texte du poète clé de la Beat Generation, Allen Ginsberg, qui réunit sur scène des comédiens-chanteurs aguerris au rock et au chant lyrique, dans une mise en scène de Joël Jouanneau. Son récent « Dans la colonie pénitentiaire », d'après Kafka en 2000, est aussi une création en France, grâce à l'opéra de Lyon et le metteur en scène Richard Brunel. Une heure et demie fractionnée en seize scènes tendues à l'extrême à la manière d'une tragédie grecque, pour deux voix (ténor et baryton), la polychromie d'un quintette à cordes? et la machine infernale sur l'île des supplices de Kafka. Intrépide Philip Glass. n « Hydrogen Jukebox », à Nantes, Angers, Orléans, Dijon, Besançon, Poitiers et Caen, du 12 janvier au 5 mars. De 10 à 40 euros. Tél.?: 02.51.88.25.25. www.angers-nantes-operas.com« Dans la colonie pénitentiaire », au Studio Lumière 2 de Villeurbanne, du 23 janvier au 4 février. De 10 à 35 euros. 0826.305.325. www.opera-lyon.com« Glass Box, a Nonesuch Retrospective ». Coffret 10 CD Nonesuch-Warner, 72 euros.« Music in Twelve Parts ». Coffret 4 CD Orange Mountain-Codaex, 27 euros.
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