Monnaies en délire

Trois grandes monnaies ont pulvérisé des records de faiblesse face à l'euro en 2008, sur un marché où les décalages ont atteint des proportions jamais enregistrées auparavant : le dollar et le yen à l'été et la livre sterling, qui a pris le relais du billet vert, en plein hiver.Épouvantail du marché des changes, le dollar a commencé le millésime par une brutale aggravation de la tendance baissière sur laquelle il était installé depuis six ans. La baisse agressive des taux de la Réserve fédérale l'a d'emblée placé en victime du « carry trade », les stratégies de portage consistant à jouer sur les écarts de rendements. Le 15 juillet, alors qu'il n'offrait plus qu'une rémunération famélique de 2 %, il enfonce le seuil de 1,60 pour 1 euro, pour dériver jusqu'à 1,38, lequel euro offre une rémunération plus de deux fois supérieure, de 4,25 %. Quelques jours plus tard, le yen aux rendements lilliputiens de 0,5 % tombe au plancher, venant affleurer le seuil de 170 pour 1 euro, un record de faiblesse absolu.la livre, bateau ivreAlors que la rentrée des classes vient à peine de sonner, une bombe explose sur la planète financière : le 15 septembre, la banque d'affaires américaine Lehman Brothers est déclarée en faillite. Toutes les stratégies à risque, dont le carry trade, sont immédiatement remisées aux oubliettes et les mal-aimés d'hier deviennent les valeurs refuges. C'est ainsi que le dollar et le yen, ce dernier faisant la course en tête, vont connaître une fulgurante reprise, qui les catapulte en quelques semaines jusqu'à respectivement 1,2395 et 115 pour 1 euro fin octobre. Avant de subir une nouvelle correction baissière nettement moins spectaculaire, la livre sterling ayant retrouvé son statut peu enviable de monnaie la plus volatile du monde. La monnaie de la couronne britannique devient un bateau ivre. Son naufrage l'entraînera presque à parité avec l'euro dans les derniers jours de décembre, après sa chute à un point bas de six ans face au dollar, à moins de 1,45.Isabelle Croizard
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