La traque impossible de l'ogre soviétique

Un tueur fou qui assassine des enfants selon un mystérieux rituel. Aux États-Unis, les fins limiers du FBI auraient pisté rapidement ce « serial killer ». Pas en URSS dans une société « parfaite » où un tel crime « bourgeois » n'est pas concevable. C'est l'idée géniale d'un jeune écrivain britannique, Tom Rob Smith, qui publie avec « Enfant 44 » son premier roman : transposer une « banale » histoire de « serial killer » dans l'univers paranoïaque de la fin de règne de Staline en 1953. De fait, le plus difficile pour le héros ne sera pas de capturer le tueur qui sévit le long du Transsibérien mais de passer à travers les mailles de sa propre hiérarchie qui fait tout pour l'empêcher d'enquêter. Cette intrigue à double détente donne à ce roman une épaisseur et une dynamique qui dépassent le simple thriller.Leo Demidov est un agent zélé du MGB (ministère de la Sécurité d'État) qui exerce une dictature policière effroyable dans les rues de Moscou. Ses services traquent toutes les déviances ? réelles ou supposées ? au dogme communiste. Son quartier général est le sinistre bâtiment de la Loubianka, antichambre du Goulag pour les suspects qui ont échappé à l'exécution dans ses sous-sols.Lutte d'influence Un enfant est retrouvé mort le long d'une voie ferrée. Sa famille est persuadée qu'il s'agit d'un meurtre. Pourtant Leo applique à la lettre les consignes du Parti, qui minimise toute criminalité et classe l'affaire, maquillée en simple accident. Victime d'une lutte d'influence au sein du MGB, ce policier est soudain suspecté de menées antisoviétiques. Il est exilé avec sa femme dans une ville industrielle au pied de l'Oural, où il est rétrogradé dans un poste subalterne d'une milice locale. C'est un premier accroc dans sa foi communiste qui va le mener à un véritable examen de conscience quand il découvre d'autres meurtres d'enfants, assassinés dans les mêmes conditions qu'à Moscou. Au péril de sa vie, il parvient à retracer l'itinéraire sanglant de ce tueur fou. Leo découvre l'ampleur de cette série de meurtres, tous classés parce que, à chaque fois, un coupable idéal a été trouvé : simples d'esprit, marginaux ont été exécutés en lieu et place du véritable tueur qui peut poursuivre sa macabre errance. « Le tueur continuerait d'agir, protégé non par une intelligence supérieure mais par le refus de son pays d'admettre l'existence d'individus comme lui, ce qui lui garantissait une impunité totale », doit admettre cet étonnant personnage de roman qui se débat dans un univers kafkaïen où toutes les frontières morales ont disparu.Tom Rob Smith s'est inspiré de la traque d'Andreï Tchikatilo qui défraya la chronique dans les années 1980 en Union soviétique. Celui qui a été surnommé « le boucher de Rostov » a été reconnu coupable de 50 meurtres. En transposant cette histoire en 1953, le romancier plonge le lecteur dans une des périodes les plus sombres de l'histoire soviétique. Adaptation au cinéma La richesse et l'originalité du roman « Enfant 44 » ont séduit la Warner, qui a acheté les droits d'adaptation cinématographique. Le film devrait être mis en scène par Ridley Scott, un défi à la hauteur du réalisateur du mythique « Blade Runner ». n« Enfant 44 », de Tom Rob Smith. Éditions Belfond, 400 pages, 22 euros.d
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