Coppola  : « Je fais ce que je veux avec mon argent »

Propos recueillis par Yasmine Youssi, à CannesDeux palmes d'or, dont une pour « Apocalypse Now ». « Une demi-palme, tient à préciser Francis Ford Coppola, j'ai dû la partager avec ?le Tambour? de Volker Schlöndorff cette année-là. » Les relations entre le réalisateur et le Festival de Cannes n'ont jamais été simples. C'est peut-être ce qui explique que Coppola ait présenté hier son dernier film, « Tetro », à la Quinzaine des réalisateurs et non pas en sélection officielle. « Le festival m'a proposé de le projeter hors compétition lors d'une grande soirée de gala. J'ai refusé, explique-t-il. Cela ne colle pas avec l'esprit de ?Tetro? qui est un film indépendant dans lequel j'ai beaucoup investi. » C'est aussi l'une des ?uvres les plus personnelles du réalisateur, certes un brin longuette mais d'une beauté plastique à couper le souffle. Il est ici encore question de la famille à travers les retrouvailles de deux frères d'origine italienne, nés en Argentine avant d'émigrer aux États-Unis avec leur père, un grand chef d'orchestre. Sauf que l'aîné, écrasé par ce dernier, a décidé de « divorcer » des siens pour retourner vivre à Buenos Aires. Une dizaine d'années plus tard, son cadet le rejoint pour avoir une explication. Mais aujourd'hui, c'est Coppola qui répond aux questions. Quelle est la part autobiographique de « Tetro » ?Disons que rien de ce qui y est raconté ne s'est réellement passé, mais tout ce qui y est dit est vrai.Une grande partie de votre carrière est guidée par l'idée de liberté. Avez-vous pu avoir sur ce film ce contrôle total que vous revendiquez ?Oui. J'avais commencé à avoir le contrôle total de mes films après « le Parrain ». Le succès avait été tel que cela m'avait permis d'être seul maître à bord jusqu'à l'échec de « Coup de c?ur ». La banque avait alors hypothéqué mes vignobles. Et pour rembourser mes dettes, j'ai dû réaliser un film de commande par an, pendant dix ans. C'est seulement après « Dracula » que j'ai retrouvé ma liberté. Mais là effectivement, j'ai eu le contrôle total du film d'autant que j'en suis aussi le scénariste.Pourquoi avoir choisi de situer votre histoire à Buenos Aires ?Comme je finance mes films moi-même, il me faut trouver le moyen de faire le plus beau film avec l'argent dont je dispose. C'est un privilège de pouvoir faire des films même si personne ne vient les voir. Et j'ai bien peur que ça soit encore le cas ici puisqu'il n'y a ni meurtres ni hémoglobine dans « Tetro ». À la limite, je me fous de perdre de l'argent. Mais il me faut quand même trouver la meilleure économie. L'un des moyens pour y parvenir, c'est d'aller là où le dollar est encore fort et où les autorités locales ne m'imposent rien. En général, je choisis toujours un pays où il y a une tradition littéraire, musicale et théâtrale. Cela veut dire que j'y trouverai de bons acteurs. Parce que je recrute toujours mes équipes sur place. Cela économise les frais d'avions, d'hôtels et de nourriture puisque chacun rentre chez soi le soir.Le réalisateur que vous êtes est-il affecté par la crise économique ?Non, sauf que les distributeurs ont moins d'argent et les télés sont moins enclines à acheter des films hors norme comme celui-ci. Et il y a cette idée stupide qui veut qu'elles vous achètent votre film à moitié prix s'il a été tourné en noir et blanc, comme c'est le cas avec « Tetro ». Tout est économique dans le monde du cinéma, alors que, avec moi, justement, l'artistique prime sur l'économique. Je pars du principe que si je dépense mon propre argent, j'ai le droit de faire ce que je veux. Mais le prix à payer est très élevé [« Tetro » n'a pas encore trouvé de distributeur en France et aux États-Unis, Ndlr].On dit que l'Amérique a changé depuis l'élection de Barack Obama...C'est un président extraordinaire. Son seul tort, c'est de manger des steaks cuits à point. n
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