« Le terrorisme islamiste pourrait déclencher une escalade de la violence »

« La Tribune ». Quelle pourrait être l'issue des élections qui débutent en Inde??Christophe Jaffrelot. Bien des scénarios sont possibles. Le plus plausible aujourd'hui est le maintien au pouvoir du Premier ministre, Manmohan Singh. Une alchimie inédite a permis à la coalition actuelle, l'UPA, constituée autour du Congrès, d'éviter l'usure du pouvoir. La personnalité de Manmohan Singh explique en partie cette situation. C'est à la fois un technicien, un économiste reconnu et un homme intègre. Il a poursuivi la libéralisation de l'économie sans précipitation, avec notamment un retrait de l'État sans la privatisation d'entreprises publiques comme la State Bank of India. Mais la stabilité du pouvoir tient aussi à la présence de Sonia Gandhi, qui jouit à la tête du Congrès d'une grande popularité. Sa présence au-dessus de la mêlée neutralise les luttes de factions et elle est un peu la conscience de gauche du gouvernement qu'elle a encouragé à mettre en place le programme garantissant 100 jours de salaire minimum aux familles rurales dont aucun membre n'a d'emploi stable.Quelle est l'alternative politique??Durant quelque temps, Sonia Gandhi a songé à pousser son fils Rahul sur le devant de la scène. Elle y a manifestement renoncé pour le moment, au bénéfice de Manmohan Singh, malgré le quintuple pontage cardiaque qu'il a dû récemment subir. Hors du Congrès, il existe une alternative, la coalition de la NDA, dont le pilier est le BJP, le parti nationaliste hindou. Cette coalition a perdu certaines composantes et devra sans doute nouer de nouvelles alliances pour revenir au pouvoir, jusqu'à se rapprocher de formations telles que le BSP, le parti dalit (intouchable) à la tête de l'Uttar Pradesh. Mais une telle coalition manquerait de cohésion et se traduirait par une instabilité parlementaire.Quels sont les thèmes de la campagne??Le Congrès va faire valoir ses réalisations sur le plan économique et social. Quant au BJP, la sécurité tiendra une place importante dans sa propagande. Depuis cinq ans, le terrorisme islamiste prend de l'ampleur en Inde. Depuis 2006, on compte un attentat tous les trois à quatre mois dans une grande ville. Cette question figure dans les programmes des deux principaux camps qui s'opposent dans ces élections. Le Congrès avance une réponse sociale en proposant d'introduire une forme d'action positive en faveur des musulmans. Un rapport a montré que les musulmans perdaient du terrain au plan socio-économique en raison d'un accès difficile à l'emploi. Côté BJP on dénonce la démagogie du Congrès et on appelle les musulmans à un effort d'éducation. Craignez-vous l'escalade de la violence??Le risque d'escalade existe. Jusqu'aux années 2007-2008, les actes de terrorisme perpétrés en Inde ont été largement téléguidés par le Pakistan ou des organisations basées au Pakistan. Mais depuis, des groupes islamistes indiens revendiquent la responsabilité d'attentats importants. Cela a été le cas d'Indian Mujahideen, issu d'un syndicat étudiant. Face au terrorisme islamiste, des terroristes hindous s'organisent. Certains disposent d'appuis au sein de l'armée indienne. Le risque de spirale est d'autant plus grand qu'il y a toujours des groupes pakistanais ou bangladeshis prêts à apporter leur aide aux mouvances islamistes indiennes et plus encore à agir seuls, comme les attentats de Mumbai (Bombay) l'ont montré en 2008. Jusqu'où les tensions entre l'Inde et le Pakistan peuvent-elles aller??La multiplication des attentats a fini par rendre difficile la poursuite du dialogue entre l'Inde et le Pakistan. New Delhi voudrait clore ce chapitre de tensions, qui se traduit au Cachemire par le maintien de troupes coûteuses, mais compte sur un geste du Pakistan, qui n'est prêt à aucune concession. Islamabad se crispe aujourd'hui en raison de la présence de l'Inde en Afghanistan, où son action dans la reconstruction est trop importante aux yeux des Pakistanais. Et l'arrivée de Barack Obama au pouvoir n'arrange pas les affaires de l'Inde, car le nouveau président souhaite voir les deux pays régler le conflit du Cachemire pour qu'il cesse d'accaparer d'importants moyens militaires du Pakistan, qui pourraient être redéployés à la frontière pakistano-afghane. Propos recueillis par Laurent Chemineau (*) Centre d'études et de recherches internationales.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.