En Belgique, Yves Leterme trébuche sur le « Fortisgate »

Certes, c'est la quatrième fois en trente mois que le Premier ministre belge, Yves Leterme, présente sa démission au roi des Belges, qui n'avait pas fait part de son acceptation hier soir. Cette fois-ci, ce n'est pas en raison de tensions communautaires, souvent vives outre-Quiévrain, mais pour ce qu'on appelle le « Fortisgate ». En présentant sa démission et celle de son gouvernement hier soir, Yves Leterme a cédé sous le poids des accusations?: ses collaborateurs auraient fait pression sur la justice pour éviter qu'elle entrave la vente de Fortis à la BNP. Le sauvetage de Fortis était censé être une occasion pour le Flamand, arrivé au pouvoir en mars après neuf mois de crise politique profonde, de se révéler comme un homme d'État apte à ressouder le pays. Mais la vente de Fortis à la BNP et aux Néerlandais s'est faite dans l'urgence, pour ne pas dire dans la panique. « Nos dirigeants politiques se sont fait avoir comme des bleus?! Comment peut-on vendre une banque pour la moitié de ses fonds propres?? » s'est indigné dans nos colonnes Mischaël Modrikamen, avocat des petits actionnaires de Fortis. Dans la transaction, Yves Leterme et son ministre des Finances, Didier Reynders, ont cherché à protéger les intérêts des clients et petits épargnants de Fortis. Mais pour ce faire, ils ont court-circuité des milliers de petits actionnaires? Qui se sont unis pour introduire une action en justice et devenir autant de cailloux dans la chaussure d'Yves Leterme. Les plaignants ont obtenu en appel la suspension de la transaction avec la BNP et la convocation d'une assemblée générale pour pouvoir s'exprimer sur la vente. Une décision « surprise » que le gouvernement aurait tenté de bloquer.«?république bananière?» La presse belge a fait état de menaces présumées sur les juges, de conflits d'intérêts, de violation du secret du délibéré. Les magistrats en charge du dossier auraient reçu des appels et des e-mails de la part des collaborateurs d'Yves Leterme. Le Premier ministre a reconnu des « contacts » indirects avec des magistrats, mais a nié toute pression sur la justice. L'avocat des petits actionnaires est allé jusqu'à parler de « république bananière »? Et c'est une lettre de Ghislain Londers, premier président de la Cour de cassation qui, jeudi dernier, a mis le feu aux poudres?: « Tout a été mis en ?uvre pour que l'arrêt de la 18e chambre de la cour d'appel ne soit pas prononcé. » Les petits actionnaires attendent la suite, en contemplant le cadeau de Noël envoyé par Fortis?: « Un paquet de grosses pièces d'or en chocolat. Voilà ce que Fortis m'a offert?! » explique l'un d'eux. Un autre n'a pas de quoi sourire?: « Tout l'héritage de mon père qui nous a quittés l'an dernier est parti en fumée. Pourtant, avoir des actions Fortis, c'était le placement de bon père de famille par excellence », soupire-t-il. Le cours de l'action Fortis est passé de 18 euros en début d'année à moins de 1 euro. Les clients de la banque s'interrogent?: « Je me pose tous les matins la question?: est-ce bien raisonnable de laisser mon argent là?? » confie une retraitée. « On a beaucoup de nouveaux clients, remarque un responsable d'agence d'une banque concurrente. On vient de recevoir un virement de plus de 2 millions d'euros ». Pour conclure?: « Il y a un vrai problème de confiance », qu'un Yves Leterme prompt à jeter l'éponge dans la difficulté n'aura pas réussi à maintenir.
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