Les monnaies, moteur de performance pour les gérants

Face aux problèmes de liquidité rencontrés sur les classes d'actifs traditionnelles, le marché des devises a récemment bénéficié d'un regain d'intérêt de la part des investisseurs en quête de nouvelles sources de performances. « Avec plus de 3.200 milliards de dollars traités chaque jour, soit dix fois plus que les actions, le marché des changes est particulièrement liquide. Par conséquent, les coûts de transaction y sont très faibles », explique Luc Dumontier, le directeur adjoint de la gestion Absolute Return chez Sinopia. Par ailleurs, la diversité des intervenants et des stratégies applicables ­offre de nombreuses opportunités d'investissement. Autant d'atouts exploités par des sociétés de gestion spécialisées, comme Record Currency Management ou Mesirow Financial Currency Management, mais aussi par les équipes de quelques grands groupes internationaux. « Cela fait une vingtaine d'années que nos équipes exploitent le marché des changes pour générer de la performance absolue. Comme tout autre actif, une devise délivre un rendement, répond à un processus de valorisation sur le marché et présente une certaine volatilit頻, souligne Vincent Chailley, responsable de la gestion obligataire internationale et des devises chez Crédit Agricolegricole Asset Management. Par ailleurs, on note un très faible niveau de corrélation entre les devises et les autres classes d'actifs et même entre certaines ­paires de devises elles-mêmes, ce qui renforce leur intérêt dans une optique de diversification des portefeuilles. Un intérêt encore mal perçu par la communauté des investisseurs puisque le responsable de CAAM rappelle qu'il n'existe pour l'heure qu'une cinquantaine de sociétés de gestion américaines spécialisées sur cette classe d'actifs contre plus de 3.000 qui se consacrent aux actions. Cela explique, entre autres, que les investisseurs institutionnels soient encore assez peu intéressés par cette classe d'actifs.Une fois cernée l'utilité de détenir des actifs libellés en devises étrangères dans le cadre d'une gestion globale, il convient de mettre en ­place les stratégies adéquates. Franck Nicolas, directeur allocation globale et ALM [gestion passif-actif, Ndlr] de Natixis Asset Management, retient trois approches. « Au sein d'un portefeuille international, la gestion des devises peut se limiter à corriger les positions tactiques prises sur les actifs classiques. » Il ne s'agit pas d'une couverture totale mais de couvrir tout ou partie des sur ou sous-expositions en devises, issues des actifs actions et obligations, par rapport à l'indice de référence. La deuxième approche, toujours dans le cadre d'un portefeuille international, consiste à donner une parfaite autonomie au moteur de performance « devises ». La prise de risque est alors légèrement plus élevée et la gestion des devises est entièrement indépendante des autres actifs détenus. « Enfin, il est possible de construire des portefeuilles visant une performance absolue pour lesquels la stratégie sur devises est de facto totalement autonome », poursuit Franck Nicolas, qui note par ailleurs que les outils d'analyse à privilégier varient en fonction de l'horizon d'investissement.Vincent Chailley, qui privilégie des prises de position sur plus de 30 devises pour des périodes de douze à dix-huit mois, s'appuie sur les données macroéconomiques, les niveaux de valorisation et le comportement des investisseurs internationaux de long terme, tels que les banques centrales, les multinationales et les gros fonds de pensions. « En 2006, sous l'effet de l'appréciation du pétrole, de nombreux investissements ont été réalisés au Canada, ce qui a propulsé le dollar canadien vers des sommets. Ensuite, les investissements se sont taris, ce qui a fait baisser la devise. » Pour les stratégies à plus court terme, les analyses technique et graphique sont mises à profit par les investisseurs qui exploitent la forte volatilité observable sur ce marché. Dans tous les cas, il convient de mettre en place une gestion des risques rigoureuse. Ainsi, on peut éviter de prendre plusieurs fois les mêmes paris sous différentes formes, compte tenu des comportements voisins de certaines paires de devises (lire encadré). Il faut en outre prendre en compte les caractéristiques particulières des distributions de rendement. « À titre d'exemple, on a pu constater une hausse exceptionnelle de 13,1 % du yen contre le dollar australien au cours de la seule journée du 6 octobre dernier. Un tel mouvement n'est censé survenir qu'une fois tous les cent mille milliards d'années si on retient une distribution statistique normale », illustre Salim Louzgani, ingénieur financier chez Sinopia. Autant dire que les outils à mettre en place ne sont pas à la portée de toutes les sociétés de gestion, d'autant qu'ils nécessitent des développements en interne. Ceci explique la rareté des équipes spécialisées efficaces et, a fortiori, celle des fonds performants sur la classe d'actifs devises, qui s'avère pourtant riche d'opportunités. Selon une récente étude de Bank of New York Mellon Asset Servicing, les gérants des fonds d'arbitrage de devises ont sous-performé le marché monétaire sur un an, trois ans et cinq ans à fin 2008 (lire ci-dessous).
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