À céret, des tableaux pour paysage

expositionTrois gigantesques photos en couleur, signées Rosa i Bled accueillent les visiteurs. Les encadrent. Les happent. Rideau de branches emmêlées à l'intense feuillage vert tendre. Mais quelle est donc la ville qui se cache derrière ? Cette chapelle que l'on devine ? Cette montagne qu'on soupçonne ?Pour le savoir, il faut pousser les portes de l'exposition consacrée aux paysages de Céret au musée d'Art moderne de la ville du même nom. Car c'est bien de cette petite cité catalane, qui sut attirer les plus grands peintres tout au long du XXe siècle, dont il est question ici à travers 250 tableaux, encres, dessins, aquarelles, gouaches ou installations signées Raoul Dufy, Juan Gris, Chaïm Soutine ou Antoni Tapiès. Autant de trésors réalisés in situ avant de rejoindre les cimaises des musées internationaux les plus prestigieux, ou d'importantes collections privées.Présentées par ensemble, ces ?uvres donnent à voir la manière dont les artistes se sont emparés de cette ville verticale, aux rues étroites piquée de platanes élancés, veillée par le Canigou, la montagne sacrée des Catalans. Tel Soutine, dont on a rassemblé 23 tableaux dans une ronde endiablée qui souligne l'évolution de son travail. Et même si l'on regrette l'absence de toiles majeures de Braque ou Picasso (que les Américains ont injustement refusé de prêter), on est ébloui par la richesse de cette exposition.artistes libres« Céret n'a pas changé le cours de l'histoire de l'art, confie Joséphine Matamoros, la commissaire de la manifestation, également directrice du musée. Mais la ville a servi de révélateur aux peintres. Confrontés à un espace originel, ils se retrouvent face à eux-mêmes, obligés de sortir ce qu'ils ont dans leurs tripes. Il n'y avait à Céret ni marchands ni critiques d'art. Alors ils pouvaient s'exprimer en toute liberté. »C'est Manolo, le premier, qui débarque par hasard dans cette petite ville du Vallespir en janvier 1910, bientôt rejoint par Frank Burty-Haviland et Déodat de Séverac. L'année suivante, il convie Picasso à les suivre, qui lui-même fait venir Braque. La cité a tout pour plaire aux cubistes avec ses maisons hautes de plusieurs étages, son centre-ville très dense et ses toits ocres. Au lendemain de la Grande Guerre, c'est au tour des artistes d'Europe de l'Est, tels Krémègne et Soutine, de débarquer ici.À chacun sa manière d'appréhender le paysage. Dans « le Canigou » (1921), Juan Gris compose un paysage à partir d'une nature morte et transforme un coin de table en montagne. Herbin décompose cette dernière en trois couleurs, rose, bleu et mauve. Et que dire des platanes de la ville. Ils sont déformés par Soutine dans un expressionnisme violent et tourmenté. François Martin, en résidence à Céret en 2007, n'en retient que les troncs. Car Joséphine Matamoros a eu la bonne idée de convier les artistes contemporains à la fête. « Je tenais à montrer qu'il n'y a aucune rupture entre ceux du début du XXe siècle et les plasticiens d'aujourd'hui », explique-t-elle.Au fil des salles, des dialogues se nouent. Des artistes se rencontrent pour la première fois. D'autres, hier fâchés comme Soutine et Krémègne se réconcilient sous les yeux des visiteurs. À qui il ne reste plus, ensuite, qu'à sortir du musée pour se confronter aux paysages réels de la ville et alentour.  n« Céret, un siècle de paysages », musée d'Art moderne de Céret. Tél. : 04.68.87.27.76. www.musee-ceret.com. Jusqu'au 31 octobre. Catalogue : éditions Gallimard, 352 p., 45 euros.
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