Quand la débâcle financière contamine l'économie réelle

À cette époque, on craignait encore la stagflation. C'était au tout début de l'année 2008. Pourtant, les banques avaient à peine eu le temps de relever les taux pour juguler l'inflation que déjà se présentait une autre chausse-trape : la bulle immobilière. Certes, elle avait déjà commencé à dégonfler, mais menaçait carrément d'éclater. Nourris par des taux historiquement bas, qui avaient donné lieu à une débauche d'emprunts hypothécaires, les prix immobiliers avaient flambé, dans de nombreux pays du monde. Mais c'était compter sans les effets dévastateurs de la financiarisation de l'économie : les institutions prêteuses avaient « packag頻 ces prêts, afin de les remettre sur le marché sous forme de titres négociables, dont elles s'étaient elles-mêmes gorgées. Une mutualisation des risques, en quelque sorte, censée protéger tout le monde. Et qui s'est révélée le plus sûr vecteur de contamination? Avec la multiplication des défauts de remboursements, ces titres ont vu leur valeur réduite à néant, plombant les comptes des banques et des investisseurs. Pis, avec une économie financière désormais mondialisée, les dégâts n'ont pas été cantonnés à quelques institutions américaines. Liés entre eux par ces transactions, ce sont tous les grands établissements, aux États-Unis, en Europe et ailleurs, qui en ont subi les conséquences. La crise financière s'est muée en crise de confiance : comment traiter avec une contrepartie dont les comptes pouvaient receler d'énormes risques ? Les banques se sont mises à refuser de travailler ensemble, faute de liquidités, rechignaient aussi à prêter aux ménages et aux entreprises. C'est ce « credit crunch » qui a mis par terre l'économie réelle.Même si elle menaçait de flancher, la croissance mondiale pouvait encore, pensait-on, être sauvée par la demande des pays émergents, Chine en tête, dont l'activité ne donnait alors aucun signe d'essoufflement. La théorie du découplage était encore très en vogue au printemps dernier. Les plus optimistes estimaient que la bulle immobilière allait bien continuer d'éclater, mais seulement dans des pays où la hausse des prix avait été la plus spectaculaire : aux États-Unis, en Espagne, en Irlande, au Royaume-Uni. Les autres économies, elles, devaient s'en tirer sans encombres ou presque. Ce scénario angélique n'a pas résisté longtemps. La contamination à l'économie réelle s'est révélée bien? réelle. Il est devenu presque impossible de contracter un prêt pour l'achat d'un appartement. Difficile d'en obtenir un pour s'offrir une voiture. Dans ces conditions, des pans entiers de l'économie se sont écroulés. Faute de demande, les entreprises de ces secteurs se sont mises à licencier. La spirale infernale se mettait en place. agir à coups de milliardsCraignant de perdre leur emploi, les ménages ont commencé de rogner sur leurs dépenses. De quoi induire d'autres licenciements, entraînant un nouveau tour de vis sur la consommation, lui-même porteur de nouvelles suppressions d'emplois? La crise ne pouvait dès lors qu'empirer. Ne dit-on pas : « Si votre voisin perd son emploi, c'est la récession, si vous le perdez, c'est la dépression » ? Pour mettre fin à cette spirale infernale, les banques centrales ont massivement baissé leurs taux d'intérêt, presque à zéro aux États-Unis. Les gouvernements, réunis en un G20 ? puisqu'il s'agissait d'une crise planétaire ? ont eux aussi décidé d'agir. À coups de milliards de dollars et d'euros, ils tentent maintenant d'injecter, sous diverses formes, de l'argent dans l'économie. Pour que les consommateurs consomment, que les entreprises embauchent et que tout redevienne comme avant, mais sans les excès de cette croissance miraculeuse qui aura duré près de dix ans. Lysiane J. Baudu
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