La réforme de la SNCF est quasi bouclée

Hypothèse évoquée dès sa nomination à la tête de la SNCF, le 20 décembre 1995, la mise en examen de Loïk Le Floch-Prigent interviendrait au moment même où les modalités du redressement de la société nationale vont être finalisées. Coïncidence extraordinaire ou choix tactique du juge Eva Joly, la convocation de Loïk Le Floch-Prigent est prévue le 4 juillet, le jour même d'un comité central d'entreprise inédit. Le CCE se prononcera en effet sur les deux documents censés entériner la réforme de la SNCF. D'une part, une lettre du Premier ministre adressée jeudi dernier à Loïk Le Floch-Prigent ; Alain Juppé y confirme notamment le cadre dans lequel la société va désormais évoluer. D'autre part, un projet de réponse de Loïk Le Floch-Prigent, qui, tout en prenant acte des décisions et des orientations gouvernementales, trace les grandes lignes de son projet industriel. Avec deux objectifs affichés : retour à l'équilibre des comptes pour l'ensemble de la société d'ici à 1998, et retour à l'équilibre pour toutes les activités à l'horizon 2000. Ces deux documents, qui seront également examinés par le conseil d'administration prévu le 10 juillet, consacrent les engagements réciproques de l'Etat et de la SNCF. En clair, ils se substituent au contrat de plan, aujourd'hui abandonné. Dans sa lettre, Alain Juppé entérine en premier lieu la création d'un établissement public auquel sera confié, à compter du 1er janvier 1997, les infrastructures ferroviaires, la SNCF restant leur gestionnaire. Cet établissement assumera le financement du réseau et percevra les péages pour son utilisation. Au passage, sa création se traduira par le transfert de 125 milliards de francs de dettes (fin 1996, l'endettement de la SNCF atteindra 206 milliards). De plus, le Premier ministre confirme le lancement, à compter du 1er janvier 1997, de l'expérimentation de la réforme des services régionaux de voyageurs dans six régions volontaires (Alsace, Centre, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire, Rhône-Alpes et Pas-de-Calais, qui a d'ailleurs récemment menacé de retirer sa candidature). L'expérimentation, qui durera trois ans, sera réversible et sans transfert de charges. Enfin, Alain Juppé fixe les grandes orientations du projet industriel de la SNCF, notamment les objectifs du retour à l'équilibre et le recentrage de l'entreprise sur son métier de transporteur ferroviaire. Dans son projet de réponse à cette lettre, Loïk Le Floch-Prigent présente un véritable synopsis de ce projet industriel, qu'il souhaite finaliser à l'automne avec les organisations syndicales. Le président de la SNCF qui prévoit donc un retour à l'équilibre en deux étapes. Pour réaliser la première (retour global à l'équilibre en 1998), il précise toutefois que les droits de péage pour usage du réseau ne doivent pas être relevés d'ici là. Sur la deuxième étape (retour à l'équilibre pour chacune des activités à l'horizon 2000), il souligne que les comptes des services régionaux de voyageurs ne peuvent être équilibrés que si la réforme amorcée à titre ex- périmental est généralisée. Par ailleurs, il précise que certaines activités (il s'agit probablement des grandes lignes) devraient, conformément au voeu du gouvernement, contribuer de manière croissante à la couverture des charges du réseau. Répondant à une demande expressément formulée par le Premier ministre, Loïk Le Floch-Prigent s'engage aussi à faire étudier « dans les prochaines semaines » la faisabilité du montage d'un holding spécifique dans lequel seront isolées les activités non liées au transport ferroviaire. L'objectif est, pour Alain Juppé, de saisir « rapidement (...) toutes les possibilités de valorisation de patrimoine ». Cet holding devrait notamment chapeauter la compagnie de ferries SeaFrance, les autocars Cariane, les hôtels Frantour et la participation de la SNCF dans le capital de l'ex-Air Inter (12,3 %). Une tout autre entreprise est à venir Enfin, ce projet industriel passe par une mutation interne déjà tangible : souci du client et des collectivités publiques, « remise en cause des pratiques et des modes de décision dans l'entreprise afin de ne pas privilégier systématiquement la réduction des emplois ». Dans le domaine social, Loïk Le Floch-Prigent, qui a habilement renoué le dialogue avec les syndicats, assure également vouloir « aborder sans détours les conditions » d'une redistribution du « surcroît de richesse produite » aux cheminots . Au-delà du retour à l'équilibre financier, c'est de facto une tout autre entreprise qu'annonce le président de la SNCF. On comprend l'attention avec laquelle tous les acteurs vont suivre la journée de jeudi. C. P.
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