Eltsine appelle les Russes à faire « le bon choix »

Boris Eltsine se reposait toujours, hier, dans sa maison des environs de Moscou. Alors qu'il était attendu à la fête organisée hier dans la capitale par le quotidien populaire Moskovski Komsomolets, le chef du Kremlin a dû renoncer à cette apparition en public, à trois jours du scrutin. Officiellement, il n'y a rien de bien grave. Boris Eltsine a annulé tous ses rendez-vous depuis jeudi, en raison d'une extinction de voix et de la fatigue qu'il a accumulée pendant la campagne électorale. « Toute personne a le droit de ne pas être toujours tout à fait en pleine forme », avait indiqué vendredi son premier conseiller, Viktor Illiouchine. Il a besoin de « deux ou trois jours pour retrouver toute sa forme », précisait un autre de ses conseillers. « Il va bien », a promis le Premier ministre, Viktor Tchernomyrdine, au président américain Bill Clinton, en marge du G7 de Lyon. Et les médias russes se sont faits tout aussi rassurants. Dans leur édition de samedi, les quotidiens publiaient une photo du chef de l'Etat. Et les chaînes de télévision ont diffusé des images de Boris Eltsine en train de discuter avec ses conseillers. Ces images étaient naturellement muettes puisque Boris Eltsine a une extinction de voix... Il a fallu attendre hier après-midi pour que l'agence Interfax publie un entretien réalisé le jour même avec un président russe affirmant : « Je travaille tous les jours. » Avant d'appeler les électeurs à faire « le bon choix » le 3 juillet. Outre qu'Interfax ne précisait pas si ces propos avaient été recueillis de vive voix ou par écrit, toutes ces précautions déployées pour minimiser l'importance du repos forcé du président sortant ne sont pas apparues convaincantes. Bien que les derniers sondages créditent le président sortant de 54 % des intentions de vote, contre 35 % à son adversaire communiste Guennadi Ziouganov, les responsables de la campagne de Boris Eltsine soulignent l'importance de la mobilisation des électeurs. Or, si son état de santé suscitait une inquiétude parmi la population sur sa capacité à diriger le pays, la participation pourrait fléchir et passer au-dessous du seuil jugé fatidique des 60 %. Si le chef du Parti communiste russe n'a pas hésité à se servir de l'« absence » de Boris Eltsine au cours des derniers jours, Alexandre Lebed, l'étoile montante de la politique russe, n'a pas été en reste et a dévoilé ses ambitions. Après avoir déclaré à l'hebdomadaire allemand Spiegel qu'il pourrait être président « en l'an 2000 et même avant », le bouillant général, devenu responsable des questions de sécurité depuis son ralliement au chef du Kremlin, a proposé le rétablissement pour lui du poste de vice-président, qui avait été supprimé dans la nouvelle Constitution russe. Il s'est de plus prononcé pour la formation d'un gouvernement de coalition pouvant inclure des communistes. Dans cette interview accordée à la télévision publique RTR, Alexandre Lebed a certes reconnu ne pas avoir abordé dans le détail ses propositions avec Boris Eltsine qui est, lui, opposé à toute coalition avec le camp communiste. Le plus étonnant est que cet entretien ait été diffusé samedi, soit une semaine après son enregistrement et au moment où l'état de santé de Boris Eltsine suscite de grandes interrogations. Fort des onze millions d'électeurs qui ont voté pour lui au premier tour, Alexandre Lebed se comporte, il est vrai, comme un électron libre au Kremlin. Mais l'on peut se demander si la télévision, tout entière acquise à Boris Eltsine, n'a pas voulu, en diffusant tardivement cette interview, montrer aux électeurs que la continuité du pouvoir serait assurée quoi qu'il arrive. Brigitte Breuillac, à Moscou
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