Comptabilité et fiscalité : la démonstration n'est pas faite

C'est devenu le sujet de discussion des comptables et fiscalistes parisiens. L'imputation de la perte de trading de 4,8 milliards de dollars de la Société Générale peut-elle être considérée comptablement et fiscalement (voir " La Tribune " du 6 février) dans les comptes 2007 ? Dès le 26 janvier, Colette Neuville, présidente de l'Adam (Association de défense des actionnaires minoritaires), envoyait une lettre à Daniel Bouton, estimant que " s'agissant de positions soldées en 2008, et même si certaines d'entre elles ont été prises en 2007, il ne paraît conforme ni aux règles comptables, ni aux règles fiscales, de les imputer sur les comptes de l'année 2007 ". Depuis, nombre de commissaires aux comptes se disent perplexes quant à la position prise par la SocGen d'intégrer les pertes dans les comptes 2007.Depuis 2005, en vertu des IFRS, la norme IAS 10-10 prévoit que " une entité ne doit pas ajuster les montants comptabilisés dans ses états financiers pour refléter des événements postérieurs à la date de clôture ne donnant pas lieu à des ajustements ". Ne donnent notamment pas lieu à ajustement (IAS 10-10) " une baisse de la valeur de marché de placements entre la date de clôture et la date d'approbation des états financiers ".Mais, parce que les règles sont faites pour être détournées, la norme IAS 1-17 prévoit que " dans les circonstances extrêmement rares où la direction estime que le respect d'une disposition d'une norme serait trompeur au point d'être contraire à l'objectif des états financiers décrit dans le cadre [conceptuel], l'entité doit s'écarter de cette disposition ". Reste donc à savoir si les commissaires aux comptes pourront démontrer le caractère " extrêmement rare " de la perte pour faire jouer la dérogation. Pour Jean Arthuis, président de la commission des Finances du Sénat, " au nom de la sincérité des comptes, il serait sage de présenter 2007 avec une provision de 4,9 milliards ".CARENCE MANIFESTE ?L'autre débat concerne la fiscalité. Alors que la Société Générale table sur un impact fiscal de la perte sur 2007, Bercy n'a pas dit son dernier mot. Et le pire n'étant jamais sûr, la Générale pourrait doublement pâtir de l'effet Kerviel en ne pouvant, ni en 2007 ni en 2008, déduire sa perte. Selon le Code général des impôts, dans le cas d'un acte anormal de gestion, le fisc refuse de reconnaître l'opération : les pertes qui lui sont liées ne peuvent être déductibles. En outre, certains observateurs font un rapprochement entre le cas SocGen et une décision du Conseil d'État du 5 octobre. Des salariés indélicats avaient commis une escroquerie chez Alcatel-CIT. Infirmant les deux jugements précédents, la juridiction a finalement autorisé la déductibilité des pertes. Car si elle constate " la défaillance du contrôle interne de la société à repérer les anomalies et irrégularités comptables " , elle absout la société au motif que " ces circonstances [...] ne relèvent pas une carence manifeste des dirigeants de la société [...] dans la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle qui serait à l'origine, directe ou indirecte, des détournements " . Peut-on parler de carence manifeste à la Générale ? Il faut peut-être relire les déclarations du gouverneur de la Banque de France le 30 janvier : " Il me paraît que tous les contrôles permanents au sein de la Société Générale n'ont pas fonctionné comme ils auraient dû. Ceux qui ont fonctionné n'ont pas fait l'objet d'un suivi approprié. "
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