La France, elle a tout d'une grande

À l'image du film de Jean-Pierre Jeunet qui met en scène avec Amélie Poulain « une héroïne déterminée et convaincue que chacun construit son histoire », Jean-Hervé Lorenzi livre ici un essai en forme de réponse aux déclinistes qui minent le moral du pays en affichant une lucidité autoréalisatrice. Comme Amélie, écrit le président du Cercle des économistes, la France est « une femme libre de son destin et libre d'en faire une histoire fabuleuse ». Métaphore utile pour nous révéler la thèse principale de l'auteur, inspirée par l'intuition qu'avait eue le président Valéry Giscard d'Estaing dès les années 1970 : notre pays est devenu, à l'échelle du monde, une puissance moyenne. Lorenzi préfère « puissance intermédiaire », qui la situe plus dans une dynamique : elle est, et restera « à vue d'homme », entre la cinquième et la huitième place mondiale. Convenons avec lui que ce n'est déjà pas si mal, dans un environnement mondial en plein bouleversement. Vérité difficile à accepter, peut-être, qui nourrit, comme le discute l'auteur, un vieux fond de scepticisme sur la capacité de notre pays à surmonter les défis de l'avenir. Ce que reproche au fond Lorenzi, c'est que le déclinisme est venu de l'élite, depuis la parution du brillant mais dévastateur essai de l'historien Nicolas Baverez (« La France qui tombe »). Plutôt que de nous penser tels que nous sommes, cette élite intellectuelle, qui a déteint sur le monde politique et celui des affaires, a préféré la lucidité dans la résignation ou l'admiration d'autres modèles, comme celui de l'Allemagne mercantiliste, à des propositions concrètes pour nous sortir du marasme et de la défiance généralisée. Alors certes, reconnaît Lorenzi, la France connaît depuis les trente dernières années une lente régression, avec des performances moyennes, de l'ordre de 1,5 % l'an et perd des parts de marché dans le commerce mondial, y compris au sein de la zone euro. Mais elle reste un pays riche, pour qui tout reste possible, capable d'être extrêmement performante dans des domaines d'activité variés. Son principal défi est celui du vieillissement, réel, mais moins marqué que chez nombre de ses concurrents. L'auteur remet d'ailleurs en cause cette vision négative que l'on a des sociétés vieillissantes, qui peuvent être source d'opportunité, à condition que l'on investisse massivement dans les dépenses de formation et d'enseignement supérieur. Réforme fiscale, du marché du travail, de l'éducation : le statut de puissance intermédiaire se mérite, conclut Lorenzi qui compte bien, avec le Cercle des économistes, peser dans le débat économique du prochain quinquennat.Philippe Mabille
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