Le gaz naturel déboussolé par un fonds géant

C'est vraiment n'importe quoi ! » Ce cri du c?ur d'un spécialiste de l'énergie résume le sentiment des professionnels sur le marché du gaz naturel américain, qui prend ses distances avec toute rationalité. Au grand dam des consommateurs, qui voient les prix fluctuer à très grande vitesse : de 13 dollars en 2008, le million de BTU (british thermal unit) est passé à 5,40 dollars début 2009, puis à 2,90 dollars hier. Espérant limiter ces circonvolutions, un groupement d'industriels américains, avec Tyson Foods et Goodyear, a ainsi demandé à la SEC de limiter l'expansion des ETF sur le gaz naturel cet été. Comme le contrat sur le pétrole WTI cet hiver, le contrat Henry Hub, du nom du lieu de croisement de pipeline en Louisiane, semble victime d'un prédateur d'un nouveau type. Il s'agit d'un fonds indexé sur la matière première, devenu gigantesque au fil des mois. Le fonds UNG, pour United States Natural Gas, pesait hier 3,8 milliards de dollars. Ce qui fait de lui un titan du gaz naturel, avec 60 % des positions ouvertes du contrat de gaz naturel pour le mois d'octobre !Le comble, c'est que, malgré une tendance baissière sur le gaz, le fonds ne cesse d'attirer le chaland. Sur le seul mois de juillet, il a amassé plus de 1,2 milliard de dollars. Et puisqu'il n'émet plus de nouveaux titres, il cote désormais avec une prime aberrante de 20?% par rapport aux actifs qu'il représente.Et plus le fonds est important, plus il accentue la tendance. « Le prochain roulement de positions entre octobre et novembre se traduira par un véritable bain de sang ! » prévient Olivier Jakob, chez Petromatrix, en Suisse. À l'approche de la fin d'une échéance, le fonds doit en effet liquider ses positions puis en racheter sur l'échéance suivante. Si la tendance est baissière, le fonds doit vendre plus de contrats qu'il ne peut en racheter sur l'échéance suivante, ce qui tire les prix vers le bas. Une opération qui avait déjà tiré les prix du contrat de février sur le WTI vers son plancher de 33 dollars. Et qui risque de faire plonger le gaz naturel dans les deux prochaines semaines.En plus d'investir le terrain des « futures » sur le gaz naturel, UNG s'est lancé cet été dans des « swaps » sur le Nymex et l'Intercontinental Exchange. Le fonds aurait ainsi contracté pour 750 millions de dollars de swaps, s'exposant de façon indirecte au gaz afin de contourner les nouvelles règles de la CFTC. L'Autorité de régulation des matières premières devrait en effet préciser prochainement la taille maximale qu'un acteur peut prendre sur un seul marché de matière première. « Ils jouent au chat et à la souris avec le régulateur », résume Olivier Jakob. Une petit jeu auquel le gaz finit perdant : en équivalence énergétique, il cote seulement un quart du prix du pétrole aujourd'hui, une parité historiquement rarissime. n
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