La France s'enfonce dans le déficit

Promis, juré, la crise de 2008-2009 ne serait qu'une parenthèse pour les finances publiques. Les mesures du plan de relance n'avaient-elles pas été calibrées pour être « réversibles » ? selon l'expression martelée alors par le ministre du Budget, Éric Woerth. Assez vite, comprenait-on, sitôt la crise passée, la situation reviendrait donc à la normale. Tel était le discours gouvernemental au début de cette année. Hier, lors de la présentation à la presse du projet de budget 2010, Éric Woerth a bien dû admettre que l'État fera face, pendant de longues années, à des finances publiques plus que détériorées. Avec un déficit représentant 5 % du PIB, Alain Juppé avait jugé leur situation « calamiteuse », lors de son arrivée au pouvoir, en mai 1995. Que dire à 8,5 % du PIB, soit la nouvelle prévision pour 2010 ?Surtout, ce déficit ne reviendra pas de sitôt à la normale. Dans la configuration la plus favorable, avec 2,5 % de croissance économique, il serait ramené à 7 % en 2011 puis 6 % en 2012? La crise économique sera alors bel et bien derrière nous? mais pas celle des finances publiques. Avec, pour conséquence, une dette de plus en plus difficile à porter, alourdissant le budget de l'État de charges d'intérêt en hausse exponentielle. De quoi inquiéter le Medef et? le Parti socialiste (voir ci-contre l'interview de Martine Aubry). Quant à Jean Arthuis, président de la commission des Finances du Sénat, il a demandé hier sur BFM TV « l'annulation du grand emprunt ».dépenses sociales épargnéesMais il n'y a pas là de quoi s'alarmer, estime Christine Lagarde (voir ci-dessous). Pour justifier la persistance de déficit élevé, la ministre de l'Économie met en avant un déficit inférieur à la moyenne des grands pays ? même si, en fait, la dégradation a été plus forte en France que la moyenne de la zone euro (voir graphique) ? et insiste sur les limites de « ce que peut supporter le corps social ».De fait, il n'est pas question de couper dans les dépenses sociales. Aussi, en 2010, celles de la Sécu continueront d'augmenter d'environ 4 % à 5 %? alors que les recettes seront encore affectées par la baisse de la masse salariale, consécutive au freinage des salaires et aux destructions d'emplois. D'où un nouveau record pour le déficit de la Sécurité sociale (régime général et fonds de solidarité vieillesse) à 38,8 milliards d'euros, avant des mesures correctrices, limitées à 3 milliards. Du coup, l'ensemble des régimes sociaux afficheront un déficit en hausse de 0,9 point de PIB en 2010, à 2,3 % du PIB. Et le redressement se fera attendre. « C'est simple, résume Éric Woerth, il faudrait que la masse salariale augmente de 10 % par an pour parvenir à équilibrer la Sécurité sociale en 2012. » Voilà de quoi faire passer au second plan la relative amélioration des comptes de l'État, l'an prochain. Grâce à des recettes enfin en progression ? notamment celles de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, qui reviendraient à 33 milliards d'euros, après s'être effondrées à 19 milliards cette année (? 61 % !), ?, le déficit budgétaire passerait de 140 milliards en 2009 à 116 milliards en 2010.De deux choses l'une. Soit, comme le suggère le président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, l'exécutif se résout à augmenter rapidement les prélèvements sociaux. Soit le futur chef de l'État sera contraint, en 2012, après l'élection présidentielle, d'imposer une austérité inconnue en France.
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