Les Hôtels Mythiques La nouvelle jeunesse du Negresco

Le 8 juillet dernier, tout le gotha du show-biz se pressait en robe longue et smoking sur le tapis rouge de la promenade des Anglais pour la réouverture du Negresco. Classé monument historique en 2003, ce dernier vient de s'offrir dix-huit mois durant un lifting de 10 millions d'euros sous la houlette de Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques. Le « palace étoile », comme le surnommait Salvador Dali, un habitué des lieux, a donc retrouvé sa splendeur. Blanche d'abord. « Nous avons tenu à garder sa couleur, alors qu'à l'origine il était recouvert d'un enduit fausse pierre dont on a retrouvé des traces », précise l'architecte. Colorée ensuite. Avec ses tuiles roses et sa somptueuse verrière elliptique du salon Royal dont l'armature est signée Gustave Eiffel.Propriétaire des lieux depuis 1957, Jeanne Augier, vénérable vieille dame de 87 ans, a voulu rajeunir sa demeure sans la trahir. Résultat?: 125 chambres toujours aussi désuètes avec leur mobilier d'époque (de Louis XIII à nos jours, avec beaucoup d'Art déco), des oeuvres d'art et des tableaux en veux-tu en voilà (2.000 au total dont un portrait de Louis XIV réalisé par Hyacinthe Rigaud - les deux autres étant au Louvre et à Versailles - ou encore une sculpture de Niki de Saint Phalle), mais aussi la création d'un étage VIP, au cinquième, avec suites tendues de soies damassées, et salles de bains en marbre rose du Portugal, un système de domotique à tous les étages et un salon aux accents d'art contemporain.Le Negresco garde donc sa tradition d'hôtel musée avec son personnel en livrée rouge et bleu. Et reste, selon le voeu de sa maîtresse, l'ambassade de l'art français. Il abrite par exemple au sous-sol 40 artisans talentueux, capables de restaurer n'importe quelle pièce.Le projet du Roumain Henri Negrescu, fils d'aubergiste et violoniste tzigane, de faire construire en 1910 le plus beau palace du monde n'a donc rien perdu de sa vigueur. Cet ancien maître d'hôtel devenu directeur du restaurant du casino de Nice voulait offrir à sa fidèle clientèle, les milliardaires américains Rockfeller, Vanderbilt et autres Singer, un lieu de villégiature d?exception. Sa rencontre avec Édouard Niermans, l'architecte du Moulin-Rouge, de l'hôtel du Palais à Biarritz ou le salon de thé Angelina à Paris, scelle son rêve. En janvier 1913, le Negresco ouvre ses portes avec une dizaine de têtes couronnées. Des grands ducs Vladimir et Dimitri au Comte de Paris, tous tombent sous le charme du Roumain aux yeux de velours noirs. Et de son hôtel alors considéré comme l'incarnation de la modernité.La guerre de 14 met un coup de frein brutal à ce joli démarrage. Transformé en hôpital militaire, le palace souffre de ne plus s'adonner à sa vocation. En 1920, Henri Negrescu meurt ruiné et son hôtel est cédé à un groupe belge qui le laisse vivoter avant son véritable sauvetage par Jeanne Augier qui y fait revenir les célébrités. Aujourd'hui encore elle y habite et règne en maître. Y a imprimé son âme, aussi, au point d'être citée par le personnel à chaque phrase « Madame Augier a voulu ceci ou cela ». Ce qui n'empêche pas la direction marketing de l'établissement de s'être mise au vocabulaire de l'époque en voulant faire « vivre l'expérience Negresco » aux clients. Pourtant, chacun s'inquiète aujourd'hui en silence de l'avenir du palace. La doyenne a créé, il y a trois ans, un fonds de dotation pour venir en aide à la misère humaine et animale, à qui seront transmises les rênes de l'hôtel. Mais nul ne peut prédire aujourd'hui l'avenir de l'édifice emblématique de la baie des Anges.? Mardi : le Ritz.
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