Faut-il cloisonner l'économie sociale et solidaire ?

Il y a débat. A l\'heure où le ministère de l\'économie sociale et solidaire (ESS) s\'apprête à créer un label pour les entreprises de l\'ESS, les voix divergent sur le périmètre exact de l\'ESS. Les acteurs présents lors d\'une table ronde intitulée \"l\'économie sociale et solidaire (ESS): une voie de sortie de crise?\", organisée par la mairie de Paris et La Tribune, s\'accordaient en tout cas à dire que l\'ESS ne pouvait pas se limiter aux seuls statuts juridiques (mutuelles, associations, coopératives et fondations), ce qui entretient malgré tout une nébuleuse. Plusieurs acteurs du milieu, pour beaucoup du courant de l\'entreprenariat social, l\'assument complètement. Présents à la table ronde, Jean-Marc Brûlé, président de l\'Atelier, Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, Sarah Mariotte, responsable des programmes de sélection des entrepreneurs sociaux d\'Ashoka, et Xavier Corval, dirigeant fondateur d\'Eqosphère sont de ceux-là.Une action porteuse de sens et d\'innovation socialeSatisfait qu\'un certain \"flou\" soit entretenu et que \"la création du label aille dans ce sens\", Jean-Marc Brûlé estime qu\'une entreprise, pour être ESS, doit être capable de \"le prouver par son efficacité et par son action, porteuse de sens et d\'innovation sociale\". Ce, en \"démontrant l\'efficacité du projet à l\'euro investi\", ajoute Jean-Marc Borello, tout en respectant en parallèle des principes d\'écarts de salaires réduits, de \"gouvernance plus démocratique et moins autoritaire, et de répartition des richesses plus équitable\", ajoute le patron du groupe SOS. Il voit d\'ailleurs dans ces principes \"un modèle d\'entreprise raisonnable, rien de très original\" au final. Ashoka va encore plus loin. Sans porter de jugement sur la création du label, Sarah Mariotte ne souhaite pas que les acteurs de l\'ESS soient \"mis dans des cases\". Elle plaide \"pour un décloisonnement plutôt que de recréer une nouvelle catégorie\" d\'acteurs.Tous s\'accordent en tout cas à dire que l\'ESS ne peut pas être limitée à quatre statuts juridiques, qui parfois ne garantissent même pas, selon eux, la finalité sociale et environnementale d\'une activité. Jean-Marc Brûlé fait à ce sujet référence aux banques de financement et d\'investissement des groupes bancaires coopératifs Crédit Agricole et BPCE.Une rentabilité d\'ordre social et sociétal Loin des querelles de chapelles, certains principes rassemblent tout de même tous ces acteurs, qu\'ils soient statutairement de l\'ESS ou entrepreneurs sociaux. \"C\'est une économie qui se recrée, qui se renouvelle en permanence\", estime Elena Lasida, directrice du Master \"Economie solidaire et logiques de marché\" à l\'Institut Catholique de Paris. Ce qui la fait avancer, c\'est son \"sens, qui se construit\" en opposition \"aux valeurs, qui préexistent\". En plus de fournir l\'accès aux biens, l\'ESS fournit \"l\'accès au vivre ensemble\", soit in fine \"une économie où la rentabilité n\'est pas uniquement d\'ordre monétaire mais aussi d\'ordre social et sociétal\", ajoute l\'économiste. Une voie de sortie de crise? Avec tant de vertus, l\'ESS peut-elle alors être une voie idoine pour sortir de la crise? Pauline Véron, adjointe au maire de Paris, déléguée à l\'économie sociale et solidaire, y croit. Face à cette crise \"de très grande ampleur économique, sociale et environnementale\" qui \"déboussole\" et implique \"une perte de sens\", l\'ESS ravive \"les fondamentaux d\'entreprendre\" régis davantage par la passion que par l\'appât du gain, indique l\'ajointe au maire. Pour François Debiesse, conseiller de la Banque Privée pour la philanthropie et la micro-finance chez BNP Paribas, c\'est la convergence entre les acteurs de l\'économie dite classique et de l\'ESS qui constitue un espoir de sortie de crise. Il prône un dialogue commun pour réfléchir à des projets ensemble, et tirer ainsi le meilleur de deux mondes que tout semble opposer. Même si, \"ce sont deux mondes qui parlent le même langage\", estime Sarah Mariotte, qui ne voit en revanche pas dans l\'ESS une voie de sortie de crise mais plutôt une vraie façon de faire autrement. Il ne faut cependant pas être dupe, la crise ayant atteint une telle profondeur, il sera quasi impossible à la seule ESS de tout résoudre. \"La crise est là pour longtemps et ne s\'arrêtera jamais\", constate macabrement Jean-Marc Brûlé. Notamment \"la crise écologique qui va en s\'amplifiant\". L\'ESS servira alors à faire passer la pilule.
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