Sur Florange, on se trompe de débat

Le Gramef tient à dénoncer un certain nombre de contrevérités concernant le site de Florange, souvent propulsées aux avant-postes de l'information. Depuis 2000, l'industrie en général a perdu près de 900.000 emplois, de manière directe et indirecte. Et seulement 16% de la valeur ajoutée française provient de l'industrie, contre 30% en Allemagne. Le débat se concentre aujourd'hui sur la manière de relancer l'industrie. Et au cœur de celui-ci, la stratégie pour redresser le secteur de la métallurgie.Selon nous, ce redressement de l'industrie passe forcément par une métallurgie forte et durable. Or, notre production nationale d'acier n'a atteint que 15,7 millions de tonnes en 2011, pendant que l'Allemagne produisait 44,3 millions de tonnes et l'Italie 28,7 millions de tonnes.Mittal, l'ancien chevalier blanc, a changé sa stratégieLorsqu'il s'est introduit en France, Mittal était un chevalier blanc recherché. Mais depuis cinq ans, il semble s'être endormi sur ses lauriers en ce qui concerne la production d'acier pour se lancer dans une course effrénée au contrôle de mines de fer et charbon. C'est la raison pour laquelle il ne s'intéresse plus qu'aux usines côtières destinées à consommer le produit de ses mines. D'où son désintérêt pour les usines situées dans les terres. Si ce changement de stratégie n'est pas sans risque pour le groupe, il ne l'est pas non plus pour le pays. Trop d'aciéries électriques ont été fermées ces cinq dernières années.Si l'on veut pouvoir assurer l'équilibre de production de notre pays, il faudrait que nous produisions entre 20 et 25 millions de tonnes d'acier par an. Or notre production ne fait que de baisser. Et les quelque 3 millions de tonnes de ferraille que nous exportons vers la Turquie, l'Italie ou la Chine nous reviennent sous forme d'importations. Quoiqu'il arrive, une aciérie électrique est indispensable pour pouvoir la transformer.Mittal a déchargé Florange pour le déclarer non rentableDe par notre expérience de l'équilibrage des commandes entre sites, que nous avons acquise dans l'exercice de nos activités dans le secteur de la métallurgie, nous mesurons toute les difficultés liées à ces enjeux stratégiques. Et le calcul des prix de revient et les comparaisons entre sites nécessite de laborieuses harmonisations, plus complexes encore au niveau européen et mondial.Les écarts de coûts inter-sites, comme le montre le rapport Laplace sur la sidérurgie belge, sont souvent ténus, et dépendent du taux de charge des usines. Il est facile alors de décréter un site non rentable, en le déchargeant au profit d'autres que l'on veut favoriser. Cela a peu à voir avec une logique géographique. A contrario, les usines continentales de Dillingen Saarstahl constituent un exemple parfait de rentabilité d'usines situées dans les terres, avec une capacité de 2 millions de tonnes, sous contrôle direct du Land de Sarre. Dans ce sens, nous avons signalé depuis 2009 des divergences d'intérêts croissantes entre Mittal et l'intérêt national.Mittal met des bâtons dans les roues de l'ÉtatEt la filière hauts-fourneaux, aciérie, trains à bande, trains à froid, recuit, revêtement, de Florange est parfaitement rentable et compétitive. Notamment grâce aux efforts de spécialisation consentis pendant des années pour se différencier des autres sites. Et sa proximité des clients français, allemands et belges compense l'éloignement des côtes. Le seul ennui est que beaucoup des données qui le démontrent sont sensibles, et donc confidentielles. Elles ne sont donc pas communicables.Malgré les bâtons que met Mittal dans les roues de l'État dans le cadre du marchandage actuel, nous pensons que la prise de contrôle temporaire par l'État et un accompagnement temporaire dans l'investissement via le FSI est une solution envisageable. Nous ne voyons pas au nom de quelle orthodoxie dogmatique nous devrions nous en priver. Notre prise de position est le résultat d'un suivi stratégique exercé depuis 2009. Et nous considérons donc que l'hypothèse d'un ou plusieurs repreneurs éventuels est tout à fait plausible.Ne laissons pas les autres exporter de l'acier à notre placeQuant à la question des surcapacités, nous savons bien sûr que la demande d'acier peut présenter périodiquement des moments de faiblesse, particulièrement en Europe en ce moment, mais l'exportation ne doit pas être réservée aux pays étrangers. Et lorsque l'on parle de fermeture, avant de sacrifier nos industries de base, il n'est pas inconvenant de regarder où se localisent les surcapacités et comment les autres les gèrent. Celles de la Chine par exemple, sont actuellement estimées à 200 millions de tonnes, soit la capacité de production totale en Europe. Et ses aciéries sont loin de fonctionner de manière économiquement viables. Ce qui n'empêche pas les Chinois de les garder en vie et d'exporter à outrance.*Jean-Louis Montagut : Ingénieur des Mines, après 15 ans de R&D en usine, il a accompagné pendant 20 ans la croissance du groupe Usinor jusqu'à la constitution du premier groupe mondial, Arcelor (maintenant ArcelorMittal). Il a approfondi la stratégie internationale comme représentant français au Ministère de l'Industrie pendant 6 ans, dont 2 ans de présidence du Groupe de Travail Acier de l'ONU. Il a co-fondé le GrameF en 2009.* Serge Graffard : 30 ans d'engagement et de conviction à des postes de Responsabilités commerciales chez Arcelor, secteur aciers inoxydables. Samsung France, Direction commerciale. Conseil en stratégie industrielle. Il a co-fondé le GrameF en 2009 
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