ACN, la société qui vend des téléphones comme des Tupperware

ReportageUne réunion comme il s'en déroule des dizaines chaque semaine. Cinquante personnes réunies dans un hôtel près de Paris pour découvrir « une formidable opportunité d'affaire ». Conquise d'avance, l'assistance écoute des « gens qui ont réussi facilement » raconter comment « quadrupler son salaire en moins d'un an ». Et regarde Donald Trump, le télémagnat américain, vanter par vidéo interposée les mérites d'ACN, une société américaine qui vend des télécommunications à la façon des boîtes Tupperware des ménagères d'antan.droit d'entrée Non-salariés, les représentants indépendants d'ACN doivent écouler des abonnements de téléphonie fixe ou mobile à leurs proches, en « leur demandant un grand service ». Ils reçoivent ensuite un pourcentage de 1 % à 10 % des factures des clients recrutés. C'est peu, mais les revenus s'améliorent « en invitant les gens à venir aux réunions d'informations ». Les parrains sont en effet également rémunérés sur les clients glanés par leurs recrues. Et ainsi de suite? « Pas un effet boule de neige, une avalanche ! », s'exclame un intervenant. À la fin de la réunion, plusieurs personnes s'engagent en signant un chèque de 477,20 euros. Les voilà « team trainer », l'échelon le plus bas chez ACN, présent dans 20 pays. Elles se voient remettre une documentation. Et sont vivement incitées à participer aux grands raouts ACN ? payants ?, comme celui organisé à Cologne en Allemagne fin septembre, auquel 15.000 personnes ont participé, selon la société.Le principe fait florès dans la région parisienne et partout ailleurs. Environ 10.000 Français auraient franchi le pas depuis janvier, selon ACN, 50.000 en Europe. En France, le chiffre d'affaires d'ACN est passé de 22,3 millions d'euros en 2007 à 39,2 millions en 2008, le résultat net de 70.000 à 171.333 euros. Le sceptique dira que les services commercialisés n'ont fait l'objet d'aucune véritable précision pendant la réunion. La principale source de revenus d'ACN provient de la vente au détail de minutes de téléphonie fixe achetées en gros à Verizon, qui loue lui-même le réseau France Télécome;lécom. « visiophone » mis en avantL'entreprise vend également plusieurs milliers de téléphones mobiles par mois qu'elle se procure du réseau de magasins The Phone House. Enfin, ACN met en avant son « must », le « visiophone » à sa marque. Un simple téléphone serti d'une Webcam. Quant au rapport qualité/prix, ACN conseille dans son guide de démarrage de ne pas l'évoquer devant des clients potentiels?Ces pratiques ont attiré l'attention de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cette dernière a porté plainte dès l'implantation d'ACN en France, en 2004. Non pas pour système pyramidal ? aucune somme n'étant versée sans client ?, mais pour publicité mensongère. En cause, le décalage entre les promesses et les revenus potentiels : selon les calculs de la DGCCRF, « seul 1 % des vendeurs pouvaient espérer un revenu complémentaire mensuel confortable ». Certains peuvent même perdre sur une année « en raison du droit d'entrée qu'ils doivent verser à ACN ». L'entreprise a été condamnée en 2007 à 15.000 euros d'amende par le tribunal de grande instance de Paris.À la suite de cette condamnation, la société ACN a dû insérer ce message sur toutes les pages de sa documentation : « Aucune rémunération n'est versée sans acquisition préalable de clients. La réussite n'est en aucun cas assurée aux représentants indépendants mais est le résultat de leurs efforts individuels. Les représentants indépendants ACN France n'ont pas la garantie d'obtenir un quelconque revenu, et le profit ne leur est en aucun cas assuré. » Un avertissement qui passe parfois inaperçu. Julien Dupont
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