La peur des marchés financiers

« Même pas mal », se risque Daniel Fermon, stratégiste chez Société Généralecute; Générale, pour qualifier familièrement la réaction des marchés lorsqu'en juin 2004 la Réserve fédérale (Fed) a initié un cycle de relèvement de ses taux qui durera deux ans. Le mouvement aura pourtant été très important, puisque le taux de la Fed passera en vingt-quatre mois de 1 % à 5,25 %. Cependant, l'évolution du rendement des emprunts du Trésor américain à 10 ans, qui évolue en sens contraire du prix de ces obligations, ne se tendra pendant ces deux années que de 25 centièmes de point, de 4,60 % à 4,85 %. Et les actions s'affranchiront encore plus de la politique de la Fed de l'époque, puisque l'indice S&P 500 gagnera 200 points, soit près de 18 % durant ce cycle. De quoi presque faire oublier aux opérateurs les terribles conséquences de la remontée inattendue des taux de la Fed sous la présidence d'Alan Greenspan. En 1994, celui-ci a provoqué un quasi-krach obligataire et Wall street a piqué du nez de près de 10 %. La situation actuelle apparaît très différente de ces deux périodes. François Chevallier, stratège de la Banque Leonardo, rappelle que lorsque Alan Greenspan a initié le durcissement de politique monétaire en 1994, le chômage n'était que de 6,5 % aux États-Unis (9,5 % aujourd'hui) et le taux d'utilisation des capacités de production de 80 % quand il ne dépasse pas 68 % à la fin 2009. De sorte que, selon ses propres estimations, le taux de la Fed aurait dû en 1994 s'élever à 5,6 %. Aujourd'hui, l'atonie de la production américaine milite pour des taux négatifs, « de ? 2 % », précise-t-il en sachant bien que dans la pratique ce serait impossible. Ainsi, la politique monétaire de la Fed lui semble d'ores et déjà restrictive.Le stratège constate d'ailleurs que l'arrêt des achats de bons du Trésor, depuis la fin octobre, s'est traduit par une hausse assez limitée de près de 10 points de base du rendement des emprunts d'État à dix ans. Face à la réduction des achats de dette des agences hypothécaires annoncée mercredi, il conviendra de regarder si le taux artificiellement bas de leurs titres connaîtra des tensions, qui auraient des effets sur les prêts immobiliers qu'elles consentent. Quant aux obligations émises par les entreprises, la prime qu'elles offrent, avec un rendement supérieur de 2,8 % par rapport aux emprunts d'État, leur confère un matelas substantiel pour absorber une remontée des taux à long terme. Dans cette analyse, une hausse des taux directeurs des banques centrales ne concernerait que les banques, grandes bénéficiaires de la situation actuelle en achetant des bons du Trésor à 10 ans rémunérés à 3,53 % qu'elles refinancent en les apportant à la banque centrale pour un coût presque nul. Christophe Tricaud
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