Le bourbier de Bank of America

Si les centaines de milliers de ménages américains expulsés de leur logement, ou en passe de l'être, cherchent toujours un coupable, ils devront repasser. Angelo Mozilo, le roi déchu des subprimes, s'en est sorti à moindres frais. L'ancien patron de Countrywide Financial ne sera finalement pas jugé. Et n'aura donc pas à répondre des accusations de fraude et de délit d'initié du temps où il était à la tête du numéro un américain du crédit hypothécaire. Un accord avec la Securities and Exchange Commission (SEC) et 67,5 millions de dollars d'amende - une broutille alors qu'il a engrangé plus qu'un demi-milliard de dollars lors de la précédente décennie - mettent fin aux poursuites. Mieux, Bank of America, qui a racheté Countrywide en 2008 pour 2,5 milliards de dollars, mettra également la main à la poche. La banque paiera même la majorité de ces pénalités. Une addition qui s'ajoute aux 600 millions de dollars déjà versés pour mettre fin à une procédure engagée par d'anciens actionnaires de l'établissement et aux 108 millions de dollars supplémentaires pour solder une « class action » sur les frais de dossiers jugés excessifs. Et l'ardoise pourrait encore grimper. À l'époque du rachat pourtant, Kenneth Lewis, le patron de Bank of America, se félicitait d'avoir saisi « une opportunité unique », celle de mettre la main sur des actifs « sous-évalués » et de s'imposer comme l'un des leaders du marché du crédit hypothécaire.Il ignorait alors certainement que la crise des subprimes n'en était qu'à ses prémices, qu'elle contraindrait la banque à réclamer 45 milliards de dollars au Trésor américain pour éviter le désastre et qu'elle le pousserait à la démission. Il n'avait certainement pas anticipé non plus que cette acquisition allait plomber durablement les comptes. Le retour à l'équilibre des activités héritées de Countrywide n'est pas prévu avant 2012, au mieux. Elles représentent à elles seules près de 90 % des défauts de paiement hypothécaire dont est victime la banque. Avec l'engorgement des procédures de saisies et le scandale qui couve sur leur irrégularité, les pertes s'accumulent. Kenneth Lewis ignorait encore plus que les agissements de Countrywide pendant la bulle immobilière seraient, plus de deux ans après, au centre d'un conflit potentiellement dévastateur. Une véritable bombe à retardement : plusieurs investisseurs réclament désormais le rachat de dizaines de milliards de dollars de titres adossés à ces crédits hypothécaire (MBS). Car, dans sa course effrénée au chiffre, Countrywide n'aurait pas eu beaucoup de scrupules. Erreurs, falsifications, documents manquants... Autant d'éléments qui constituent, aux yeux des plaignants, une fraude caractérisée.Pour se sortir de ce bourbier, Bank of America dispose encore d'une arme ultime : mettre Countrywide en situation de faillite pour placer l'établissement sous la protection de la loi. Ce qui pourrait mettre bien des investisseurs lésés en difficulté, comme Ambac, voire aussi Freddie Mac et Fannie Mae, dont le plan de sauvetage pourrait finalement coûter plus de 200 milliards de dollars aux contribuables. Mais pour tout cela, Angelo Mozilo n'ira pas en prison. Il ne pourra juste plus diriger une société cotée.Par Jérôme Marin Correspondant à New York
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