Décoration

Porté par des pieds en altuglas, on le croirait suspendu dans l'espace, comme s'il reposait juste sur sa lyre. Le quart de queue Pleyel chocolat et turquoise dessiné par Hilton McConnico est la vedette, ces jours-ci, des dix ans des Designer's Days. Le tournant est majeur?: cela fait aussi dix ans que les pianos Pleyel ont décidé de faire appel aux designers pour sauver la marque. Et dix sont nés de cette collaboration. Ils seront tous présents ce week-end dans le showroom parisien conçu par Jacques Garcia tout de velours violet vêtu, comme un écrin. De quoi changer à jamais l'idée que l'on se fait de l'instrument?: en acajou, palissandre, merisier, ou noir brillant, il incarne le symbole de la bonne éducation bourgeoise que l'on se transmet de génération en génération après avoir fait ses classes au conservatoire. Continuer de jouer cette même partition, c'était la mort assurée des pianos Pleyel. Reprise en 2000 par Hubert de Marigny, sous la houlette de son directeur Arnaud Marion, la marque a décidé de monter en gamme (voir « La Tribune » du 20 mai 2010). Elle fabrique désormais seulement des pianos à queue destinés autant à la décoration d'intérieur qu'au jeu musical. Mélomanes, amateurs fortunés, propriétaires de yachts ou de châteaux, se tournent désormais vers ce nouvel objet... d'art. Devenus pièces de collection (aux alentours de 100.000 euros), les pianos sont signés des plus grands noms. Ainsi celui d'Andrée Putman à laquelle a été confiée en 2006 la mission de dessiner le piano du XXIe siècle. Elle a imaginé « Voie lactée », dont l'intérieur du couvercle est paré d'une constellation d'étoiles en nacre incrustée. « La maison a depuis ses origines en 1807 une longue tradition d'alliance avec les créateurs », rappelle Anne-Emmanuelle Kahn, bras droit d'Arnaud Parion. Initiée avec l'Art nouveau, elle s'est déployée avec l'Art déco sous l'impulsion des grands ensembliers décorateurs de l'époque, tels Jacques-Émile Ruhlmann, Pierre Legrain, René Herbst, Paul Follot ou René Prou, tous auteurs de pianos singuliers et novateurs. À tel point que Pleyel a eu l'idée de rééditer en 2009 un modèle original de Ruhlmann et de réinterpréter un piano monopode dessiné par Paul Follot en 1937. Aujourd'hui ses artistes se nomment?: Thibault Desombre, Marco Del Re, Aki Kuroda, Jean Cortot. Tous ont signés des instruments étonnants et beaux, ancrés dans leur époque, tel celui imaginé par Marco Del Re en collaboration avec la galerie Maeght et baptisé « Erato Humana Est ». Il présente une technique expérimentale de gravure sur laque rappelant celle utilisée pour les fresques. On pense à Cocteau, Matisse et Picasso. Et on rêve de l'avoir dans son salon... Pari réussi donc, avec du coup l'idée de confier aux doigts de fées de la manufacture de Saint-Denis (93) le soin de se lancer dans la fabrication de meubles laqués. Si elle travaille déjà en secret pour des marques de luxe qui font leurs premiers pas dans le mobilier, elle entend signer de son nom quelques pièces de haute facture. Un canapé de Hilton McConnico accompagnera ces jours-ci le piano « Parallèle » avec ses rayures en laque marron chocolat mates et brillantes. Une petite musique de jour à admirer religieusement. Sophie Péters
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