La divine surprise de « Platée »

opéraLa musique baroque a cela de merveilleux qu'elle nous réserve souvent les surprises les plus inimaginables. « Platée » de Jean-Philippe Rameau en est la parfaite illustration. Voilà une pièce musicale que l'on aurait pu croire construite sur le même moule que celui des « Indes galantes » ou « Castor et Pollux », même si en haut de l'affiche on voyait apparaître « comédie lyrique ». Et en fait, foin de tout cela. Rameau nous emmène, dès le début, dans les méandres d'un conte burlesque où tous les clichés et poncifs esthétiques et musicaux de son époque (« Platée » a été écrit en 1745) sont balayés d'un revers de main pour laisser place à des cocasseries, des pitreries et des trouvailles musicales d'une incroyable modernité. L'histoire elle-même donne le ton : une vieille nymphe (reine des grenouilles) tombe amoureuse de Jupiter. Celui-ci se joue d'elle en lui faisant croire que c'est réciproque. Après moult péripéties, Junon, l'épouse de Jupiter, récupère son bel et rutilant mari au grand dam de Dame grenouille, alias « Platée », qui se rend compte que l'on s'est moqué d'elle.rire des dieuxCette intrigue est surtout l'occasion pour Rameau de tourner l'Olympe et la mythologie en dérision. La musique, dirigée par Marc Minkowski, n'en demeure pas moins enlevée, rythmée et réjouissante. La mise en scène de Laurent Pelly a parfaitement décrypté le message que voulait faire passer le musicien. Du coup, on est plongé dès le début du spectacle dans un monde mi-burlesque mi-effrayant. La première scène nous place d'abord dans un jeu de miroirs, de mise en abyme, où les chanteurs et danseurs sont eux-mêmes au spectacle dans une salle de théâtre. Cette même salle va, au fur et à mesure, se déliter et disparaître sous l'emprise des algues et de l'humidité des marais, le fief de Dame grenouille et de ses troupes. Les intermèdes dansés sont autant d'occasions de nous lancer d'innombrables clins d'?il, les grenouilles ressemblant à s'y méprendre à des personnages du « Muppets Show » ou aux morts vivants du « Thriller » de Michael Jackson.Paul Agnew, dans le rôle de Platée, est parfait, modulant tour à tour ses envolées vocales. La tâche n'est pas aisée car, contrairement à nombre d'?uvres classiques, le personnage principal est un contre-héros qui doit souvent démontrer ses faiblesses. Le personnage de la Folie, censé représenter l'?il averti du compositeur et incarné par Mireille Delunsch est, en fait, le plus brillant. Et sa tessiture correspond parfaitement à ses prérogatives. Difficile donc de sortir de l'Opéra Garnier sans garder en nous cette pluie de démesure et ce brio musical. n « Platée », à l'Opéra Garnier, jusqu'au 30 décembre. Tél. : 08.92.89.90.90
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