Vente à découvert à nu : l'Assemblée nationale rejette l'interdiction

Procès Kerviel, spéculation, bonus et même trading à haute fréquence : l'écho de l'actualité et les derniers termes à la mode sur les marchés, assenés par des députés bien décidés à ne pas revenir au monde d'avant la crise, se sont répercutés sur les colonnes d'un hémicycle bien vide, jeudi. L'Assemblée nationale examinait en première lecture le projet de loi de régulation bancaire et financière. Le texte, musclé en commission des finances le mois dernier, a bien été adopté, ouvrant ainsi la voie à un renforcement des pouvoirs de l'Autorité des Marchés Financiers et un meilleur encadrement des agences de notation, désormais responsables des préjudices causés par d'éventuelles erreurs d'évaluation. L'AMF se retrouve donc confortée, dotée de pouvoirs d'urgence et capable d'intervenir en cas de délit d'initié ou de manipulation de cours sur les produits dérivés, tels que les credit default swaps (CDS) ?ces instruments de couverture contre le risque de défaut d'un émetteur de dette- fortement décriés par les politiques durant la crise grecque. Mais les députés n'ont pas franchi le pas de l'interdiction des ventes à découvert à nu des emprunts d'État de la zone euro, c'est-à-dire la vente sans détenir ni même avoir emprunté les titres en question dans l'espoir de les racheter ensuite à un prix moindre. Les opérations sur CDS souverains sans exposition préalable n'ont pas davantage été contrées. Ne pas faire cavalier seulPlusieurs amendements avaient pourtant été déposés en ce sens, y compris dans le camp UMP. Celui de Jérôme Cahuzac (PS), le président de la commission des Finances de l'Assemblée, avait reçu l'avis favorable de la Commission à la veille de l'examen en séance publique. Mais il a finalement été rejeté par 18 voix contre 8, après avis défavorable du gouvernement. « Il faut que nous restions dans cette logique européenne, conscients que la volatilité pourrait s'accroître encore si l'on s'amuse à faire cavalier seul, même après les annonces faites par l'Allemagne en mai », a expliqué en substance Christine Lagarde. S'agissant de la vente à découvert, le projet de loi prévoit la transparence vis-à-vis de l'Autorité des Marchés Financiers et, pour limiter l'exercice de cette technique, le délai légal entre le moment de la transaction et le moment de la livraison des titres cédés pourrait bien être réduit. Aujourd'hui, ce délai ne peut excéder 3 jours après la date de la vente (J+3). Le projet prévoit de le raccourcir à 1 jour seulement (J+1). Une règle difficile à tenir si l'on en croit les acteurs de la place. « Modifier ce délai ne peut se concevoir qu'à l'échelle européenne », a tenu à réagir l'association Paris Europlace. « Réduire à J+1 le délai de règlement livraison serait de nature à créer des problèmes opérationnels et des défaillances et supposerait de profondes modifications des outils informatiques et des investissements massifs ». Comité des risquesAu chapitre des rémunérations, l'Assemblée a retenu la possibilité pour les comités des rémunérations des banques d'évaluer les bonus des traders.En revanche, la reconduction de la taxe exceptionnelle sur leurs gains de 2009 n'a pas été reconduite. Enfin, s'agissant du suivi des risques, la copie de l'Assemblée impose la création dans les établissements financiers d'un comité spécialisé au sein du conseil d'administration ou de surveillance.La balle est désormais dans le camp des sénateurs, qui devraient plancher sur le texte à l'automne.
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