Délais de paiement : les mauvais payeurs bientôt notés ?

C’est un sujet récurrent de mécontentement pour les dirigeants de PME. Alors que la crise dégarnit leurs carnets de commandes, ils supportent de plus en plus mal de voir certains de leurs clients – publics et privés – refuser de les payer en temps et en heure.Pour soutenir les entreprises fragilisées, Croissance Plus envisage plusieurs options. La première : créer un réceptacle de dénonciations. « La délation, ce n’est pas glorieux mais c’est une solution qui peut faire bouger les lignes. On en assez d’entendre les déclarations de bonnes volontés d’entreprises parfois signataires de la charte de bonne conduite du Pacte PME et qui continuent à se comporter comme des voyous », martelait mardi Laurent Vronski, le vice-président de Croissance Plus, l’association qui fédère les entreprises en forte croissance lors d’une conférence de organisée avec la BPCE.Une agence de notation pour identifier les mauvais payeurs L’autre option envisagée est plus ambitieuse. « Il s’agit de créer un système de notation reposant sur des critères irréprochables. La démarche doit être totalement objective. Ce n’est pas un projet simple à réaliser mais c’est tout à fait envisageable », ajoute-t-il.« Cet allongement des délais de paiement est un véritable problème structurel. Les grands groupes se sont organisés pour allonger au maximum le paiement de leurs fournisseurs. Ils ont construit un système qui retarde énormément les délais de paiement et qui donne aux PME un rôle de banquier qu’ils n’ont pas à assurer », s’insurge Brice Pineau, le PDG d’Harvest, un éditeur de logiciels et président de la Commission PME/Grands groupe de Croissance Plus. Dans la salle, certains chefs d\'entreprises présents ont signalé des retrads de paiement de 180 jours...Etre enregistré rapidement dans l’ERP des services achats, le véritable enjeuComment s’y prennent-ils ? Chaque facture émise par un fournisseur doit d’abord être enregistrée dans le système de gestion global de son client communément appelé ERP pour Enterprise Ressource Planning, avant que le processus de paiement s’enclenche. Il suffit donc au service achat du client d’attendre un peu avant d’intégrer une facture à l’ERP pour retarder l’acquittement de celle-ci.Les donneurs d’ordre publics, comme les ministères et les collectivités territoriales, montrent-ils l’exemple ? « Pas vraiment, mais ils ont le mérite de la franchise en indiquant qu’elles n’ont plus un sou en caisse », prolonge-t-il.La LME a eu des effets positifs mais n’a pas éliminé les abus Pour mémoire, la loi de modernisation de l’économie (LME) votée en 2008 fixe le délai de paiement maximum à 45 jours fin de mois ou 60 jours après émission de la facture. Certes, la LME a permis d’aligner durée des délais de paiement observée en France sur la moyenne européenne, proche de 55 jours selon l\'Observatoire des délais de paiement. Mais de nombreux abus sont signalés, particulièrement lorsque la conjoncture se dégrade. « Un certain nombre de donneurs d’ordre indiquent dans les contrats un paiement à 90 jours de leurs factures. La loi est bafouée quotidiennement. Que font les politiques ? Rien, car rares sont ceux d’entre eux qui ont véritablement conscience du problème », estime Brice PineauNe pas craindre les représaillesEn attendant que les solutions imaginées par Croissance Plus se concrétisent, que peuvent faire les chefs d’entreprises qui voient leur trésorerie asséchée par la mauvaise volonté des grands groupes ? « Recourir à l’assurance-crédit est efficace mais elle coûte cher. Il est bien plus préférable de suivre pas à pas la trace de la facture et de contacter régulièrement les services de comptabilité des grands groupes pour éviter certaines attitudes scandaleuses\", suggère Laurent Vronski.L’association recommande aussi aux entreprises de se prendre en main et de ne pas commencer à travailler tant que la facture n’a pas été émise. « Il faut briser l’omerta. Si plusieurs PME dénoncent les pratiques d’un donneur d’ordre et font connaître son comportement, sa direction achat peut certainement rectifier le tir. Les dirigeants de PME qui ont déjà facturé des intérêts de retards à leurs fournisseurs ne sont pas légion », avance -il. Autre solution : user de la clause de réserve de la propriété qui permet aux fournisseurs de bloquer le fonctionnement de la machine livrée, d\'interrompre la prestation de service fournie.Le rôle majeur du médiateur des relations inter-industriellesLes entreprises lésées peuvent aussi se plaindre, en particulier auprès du médiateur des relations inter-industrielles. « Elles ont tout intérêt à le faire. Si une entreprise a été choisie, elle le sera une nouvelle fois, même si un contentieux peut entraîner une période de ‘froid’ entre les parties. Les dirigeants de PME ne doivent pas craindre de perdre définitivement un client. C’est la loi de la jungle. C’est toujours celui qui crie le plus fort qui est payé en premier », poursuit Laurent Vronski.
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