Ibaraki, le dernier éléphant blanc japonais

« Ibaraki, le troisième aéroport de Tokyo ?cela reviendrait à qualifier l'aéroport de Beauvais de troisième aéroport pour Paris » : ainsi un diplomate européen explique-t-il l'importance minuscule de l'aéroport flambant neuf d'Ibaraki, à 80 kilomètres de la capitale japonaise. Celui-ci a ouvert ses portes il y a une semaine dans l'indifférence quasi-générale. Il n'est pas certain en effet que ce nouveau point d'entrée du Japon fasse date dans l'histoire du transport aérien. Jouer au golfEn revanche, dans celui des « éléphants blancs » laissés par l'industrie mégalomaniaque de la construction nippone, il est déjà un monument historique. Qu'on en juge : l'aéroport d'Ibaraki, 98e du pays, a coûté 22 milliards de yens (177 millions d'euros) au contribuable japonais. Il n'offre aux passagers qu'un vol par jour, à destination de Séoul (« pratique pour aller faire du golf en Corée du sud », déclare sans rire un haut fonctionnaire du ministère des Transports). Il n'est même pas connecté au reste du pays par la moindre infrastructure de transports publics. Il devrait être de 700.000 passagers en deçà de ses estimations initiales de trafic cette année. Ibaraki n'est que le dernier maillon d'une politique de grands travaux maquillée en politique de transports en dépit du bon sens. « Le transport aérien a été pris en otage par le pouvoir central. Il s'agissait de satisfaire les revendications des potentats locaux qui voulaient tous leur aéroport afin de dynamiser leur région », explique notre diplomate. Lignes non rentablesAvec un réseau ferroviaire d'une qualité sans égale et un réseau autoroutier très dense, le Japon n'avait pas besoin de ces dépenses absurdes. Bilan de cette politique : une dette publique colossale, et un réseau aérien qui fait pleurer les Japonais et rire le reste de la planète. 70% des lignes intérieures ne sont pas rentables aujourd'hui. Le gouvernement est allé jusqu'à arrimer la compagnie JAL à sa politique suicidaire, l'acculant à la faillite qu'elle a déclarée il y a quelques semaines. La situation seule de Tokyo est sidérante : la capitale du Japon dispose de 3 aéroports, dont le très lointain Narita, et pas de « hub » entre le reste du monde et les lignes intérieures. « Résultat : le hub japonais est l'aéroport d'Incheon-Seoul, en Corée du sud, qui peut desservir 20 destinations japonaises, quand Narita ne peut en desservir que 9 ! » s'étrangle le représentant d'une compagnie aérienne européenne au Japon. Le gouvernement d'alternance nommé en septembre a promis de rationaliser les transports.
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