Cherche logement en Chine

En forme de « décapsuleur » de bouteille géant, la tour de verre coupe l'horizon encombré de la mégalopole. Du haut de ses 492 mètres, la « Shanghai World Trade Center » est aujourd'hui la plus haute tour d'Asie. Enfin pour quelques mois encore, car juste à côté, les fondations d'une tour voisine, plus haute encore, de 630 mètres, surgissent déjà du sol. Dans cette ville de Shanghai qui enfante record sur record, les constructions grimpent à des hauteurs aussi vertigineuses que les prix de l'immobilier. « Il y a peu, j'ai loué un appartement dans un quartier central de Shanghai, il y avait aux alentours quantité de logements vides », explique Ning, une architecte chinoise. Aujourd'hui, il faut compter entre 3.000 et 8.000 euros du mètre carré dans le premier « ring » de Shanghai alors que le salaire moyen y avoisine les 300 euros contre 100 à 150 euros ailleurs. « Pour la plupart de mes amis, il est impossible d'accéder à la propriété ici, mais également dans la plupart des grandes villes chinoises. À moins d'aller loin, très loin. » En Chine, les prix de l'immobilier ont connu une ascension fulgurante en quelques années?: de 11 % par an entre 2004 et 2008. Et de 22 % entre 2008 et 2009.Inquiet de cette flambée, le gouvernement chinois a pris des mesures pour calmer la spéculation?: les conditions de crédit pour l'achat de résidences secondaires ont été durcies. L'investissement étranger a été découragé. Des mesures qui commencent à avoir un certain effet?: en juin, la hausse des prix dans 70 grandes villes chinoises a crû à un rythme de 11,4 %, contre 12,4 % en mai et 12,8 % en avril. Et les volumes de transactions sur les ventes de nouvelles résidences ont chuté de 57 % à Shanghai, au premier semestre par rapport à 2009, et de 44 % à Pékin. « Pour l'heure, les volumes de transactions sont les seuls à vraiment s'affaisser, mais les prix ne devraient pas tarder à suivre », anticipe Claude Tiramani, stratège chez Lutetia Capital. « Le fait que plusieurs promoteurs se soient engagés à faire des coupes dans leurs prix est un bon indicateur. » China Vanke, le numéro un, les a abaissés de 15 %. La baisse pourrait cependant aller bien au-delà?: Barclays Capital estime par exemple que les prix pourraient chuter de 30 % au cours des douze prochains mois. À l'origine de la bulle, un déficit chronique?: « C'est le déficit d'offre sur le marché du résidentiel qui est à l'origine de la hausse des prix », explique Camille Goossens chez Bain & Company. Alors que l'on estime le déficit de femmes par rapport aux hommes entre 33 et 50 millions d'individus, trouver une femme en Chine devient très problématique. Seuls les hommes possédant leur logement sont certains de pouvoir se marier. Les familles sont ainsi prêtes à payer n'importe quel prix pour assurer un mariage à leur fils. « Alors que l'urbanisation s'amplifie, que le pouvoir d'achat augmente, qu'une classe moyenne aisée émerge, que l'épargne est élevée (40 % du PNB), que les taux d'intérêt sont bas et que les opportunités d'investissement en dehors de l'immobilier restent plus que limitées, l'offre, elle, ne suit pas. » En effet, la construction récente a essentiellement été tirée vers le haut de gamme là où les marges sont plus généreuses. Et les promoteurs ont eu plus que tendance à stocker les mètres carrés. « En moyenne sur les cinq dernières années, 33 % de la surface des terrains achetés annuellement n'a pas été développée. » Dans le même temps, les Chinois se sont également globalement enrichis - a priori certains ratios sont mêmes raisonnables?: quinze années de salaire annuel sont en moyenne nécessaires pour acheter un 90 m2 - mais la distribution de revenus, elle, s'est faite au profit des plus riches. « C'est le fond du problème, la classe moyenne et les plus démunis ne parviennent pas à se loger, souligne une économiste, et les problèmes sociaux ont toujours été la bête noire de la Chine. » Si les mesures gouvernementales semblent avoir calmé la spéculation, cela profitera-t-il aux ménages chinois?? Début juillet, le ministre en charge du foncier, Xu Shaoshi, prédisait « une correction générale » d'ici les trois prochains mois. Certains experts restent cependant sceptiques, dans la mesure où sur le « moyen de gamme », la demande est plus rigide. « Dès qu'il y aura une petite baisse de prix, la demande augmentera très significativement. Un très grand nombre de ménages chinois souhaitent améliorer leurs conditions de logement. Surtout ceux qui veulent se marier, ils préfèrent ne pas attendre une baisse importante de prix dont la probabilité est incertaine », estime l'économiste Bei Xu chez Natixis. Pour gagner son pari, Pékin devra donc également compter sur les promoteurs et les collectivités locales. « La Chine veut changer la structure du marché immobilier en la réorientant vers le low-cost », explique-t-on au sein du cabinet de recherche financière Gavekal. « Pour ce faire, les gouvernements locaux ont été tenus d'inciter les promoteurs à construire des logements sociaux en échange de terrains gratuits, d'aides sociales et d'avantages fiscaux. » La superficie dédiée aux logements sociaux a d'ailleurs augmenté de 50 % par rapport à l'an dernier. « Pour cette raison, le gouvernement chinois doit pouvoir compter sur les principaux promoteurs, s'il veut pouvoir répondre au besoin grandissant de logements. Un trop grand nombre de faillites risquerait de l'empêcher de mener à bien ses plans », estime Glenn Maguire, économiste à la Société Généralecute; Générale. Et c'est effectivement un des aspects du problème?: les promoteurs sont certes très nombreux, environ 50.000, mais leur façon de se financer - ils ont recours à la prévente, aux prêts bancaires, aux introductions en Bourse - alliée à la baisse des crédits, à la contraction des ventes, fait craindre de sérieux problèmes de remboursement de leur part. L'agence de régulation bancaire chinoise, qui pointe régulièrement le risque d'inflation des créances douteuses dans les prêts immobiliers, doit d'ailleurs bientôt publier un rapport détaillé sur leur endettement. La plupart des économistes rappellent cependant que le secteur bancaire chinois reste relativement peu exposé au marché de l'immobilier. Et que les crédits de l'immobilier sont les moins à risque. Sur l'encours total de ces prêts à la fin mars 2010, soit 5.280 milliards de yuans, la part des ménages en représente 68 %, et celle des promoteurs 32 %. Et les ménages sont très peu endettés?: 44 % de leurs revenus disponibles contre 132 % aux États-Unis. Reste une inconnue?: les prêts consentis aux collectivités locales, dont on ignore les vrais montants. Un des conseillers du FMI, José Vinals, le rappelait encore récemment?: « La Chine parviendra sans doute à calmer la hausse des prix, mais elle doit faire preuve de plus de transparence dans les prêts octroyés aux gouvernements locaux ! » Marjorie Bertouille
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