« Un pilotage politique du secteur en France serait contre-productif »

Fabien Roques, directeur de la recherche Électricité Europe, IHS Cambridge Energy Research AssociatesQue pensez-vous de la volonté du gouvernement d'améliorer l'organisation de la filière nucléaire française ?Les réflexions en cours semblent s'inscrire dans un référentiel très franco-français. Or, le marché nucléaire mondial est en pleine mutation. Il se diversifie et s'internationalise. Ne pouvant être leaders sur l'ensemble des segments, les acteurs français doivent impérativement nouer des partenariats. Par exemple, la France n'est pas présente sur le créneau des réacteurs de très petite taille, mais, pour autant, elle peut apporter sa maîtrise en matière d'exploitation ou de retraitement. Il faut une approche ouverte aux partenariats aussi bien industriels que locaux. Il est nécessaire d'intégrer les Japonais, les Russes, les Américains et les Chinois comme partenaires potentiels. Dans cette optique, un pilotage politique trop centralisé de la filière, qui serait perçu comme un signal de repli sur soi, serait contre-productif. Mais l'État peut-il être absent d'une filière dominée par des groupes à capitaux publics...L'État a un rôle à jouer comme actionnaire pour fixer les grandes directions stratégiques, mais cela ne signifie pas qu'il doive coordonner le pilotage à travers un groupe de travail, par exemple. Il faut au contraire laisser de l'autonomie aux entreprises. Se référer aux heures de gloire passées de la filière française n'est pas le meilleur moyen pour se projeter dans le futur. Quels sont, selon vous, les autres axes de changements pour la filière ?Compte tenu des lourds investissements, le financement des projets est une donnée majeure de l'équation économique du nucléaire. Sa compétitivité en dépend. Il faut donc réfléchir aux différents modes de financement de long terme qui permettent d'abaisser son coût en associant industriels et acteurs financiers. On ne peut pas laisser le leadership du financement nucléaire aux banques anglo-saxonnes et asiatiques. La place financière française a beaucoup à y gagner. On peut aussi réfléchir au rôle des fonds d'investissements stratégiques et aux moyens d'intéresser les fonds souverains au nucléaire.Le financement, et notamment les garanties, ont été évoqués comme une des causes de l'échec des Français à Abou Dhabi....Un partage des risques innovant entre le client, les industriels et les financiers peut en effet aider à gagner un contrat. Les risques de construction et d'exploitation spécifiques au nucléaire restent mal compris. Il faut amener les financiers dans le tour de table industriel et réfléchir à des formules de couverture de risque innovantes pour les clients. C'est décisif dans le nucléaire. Propos recueillis par M.-C. L.
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