Comment les banquiers arrivent-ils à tailler des croupières aux assureurs ?

 Toutes les banques le disent, leur filiale « assurance » se porte bien. Qu'il s'agisse d'épargne (assurance vie) ou de dommages, les résultats sont au rendez-vous. Une étude du cabinet « Facts & Figures » analyse les ressorts de ce succès s'agissant de l'assurance « dommages » (habitation, auto, assurance dite de poche) au détriment des assureurs traditionnels et des mutuelles.Certes, les mutuelles continuent de dominer le marché. Le groupe Covéa, qui regroupe Maaf, MMA et GMF, affiche le chiffre d'affaires le plus élevé. Il peut se targuer d'être le numéro un français de l'assurance de biens (habitations, autos..) en France.Érosion de la rentabilité des mutuellesMais qu'en est-il de sa rentabilité, comme de celle des autres mutuelles ?  La tendance est clairement à l'érosion des profits, ce qui fait hésiter ces sociétés à conquérir de nouvelles parts de marché. En 2011 - mais la tendance est aujourd'hui la même -, les mutuelles sans intermédiaire - qui vendent directement leurs produits - ont dégagé ce que les assureurs appellent un résultat technique (profit brut avant gains financiers) représentant seulement 0,4% de leur chiffre d'affaires. Les assureurs traditionnels, qui vendent leurs produits via des courtiers ou agents généraux ont fait un peu mieux, avec des résultats atteignant respectivement 2,7% et 2,1% du chiffre d'affaires.Des profits quatre fois supérieurs à la moyenneS'agissant des banques, les chiffres n'ont rien à voir. Le secteur, ce qu'il est convenu d'appeler la « bancassurance » (les banquiers vendant de l'assurance), s'est assuré un résultat représentant 8,7% du chiffre d'affaires. Soit des profits quatre fois supérieurs à la moyenne du marché…. Au total, si les « bancassureurs » ne représentent que 14% du chiffre d'affaires de l'assurance des particuliers (hors assurance vie), ils s'arrogent 51% du résultat de ce secteur…La banque affichant la plus forte rentabilité est l'une des plus petites dans ce secteur, c'est la Société Générale, dont le résultat technique dans l'assurance dommages des particuliers atteint 21,6% du chiffre d'affaires… Le groupe Crédit Mutuel fait moins bien, mais avec un chiffre restant très élevé au regard du marché (13%), suivi de très près par BNP Paribas (12%).Les "risques divers", véritable vache à laitLes profits dégagés en matière d'assurance auto sont importants pour les banquiers (3,9% du chiffre d'affaires), mais ce n'est pas là que les écarts sont plus importants avec le reste du marché. La supériorité des marges autorise toutefois une stratégie de conquête, alors que certains grands assureurs, comme Axa, réduisent au contraire leur portefeuille pour rétablir leurs profits. Ainsi, Crédit Mutuel et le groupe Crédit Agricole font désormais partie des dix premiers assureurs français en matière d'automobile, s'arrogeant à eux deux 10% du marché. Au total, les banquiers gagnent chaque année 0,5 point de part de marché. S'agissant des nouveaux contrats signés, Pacifica (Crédit Agricole) a désormais pris la tête de l'assurance automobile en France.Mais là où les bancassureurs dégagent les marges les plus fortes, c'est dans les « risques divers » (assurance des moyens de paiement, téléphones, pertes de clés), qui représentent un quart de leur activité contre 11% seulement pour les mutuelles. Le ratio combiné (poids des frais de gestion et du coût des sinistres en proportion des primes encaissées par l'assureur) n'y est que de 87,1%, alors, qu'à titre de comparaison, les mutuelles affichent un ratio de 103,4% dans le secteur de l'automobile : si elles gagnent de l'argent, c'est seulement grâce aux produits financiers. La recette? Sélection, tarification, segmentationComment font donc les banquiers pour parvenir à de tels résultats ? S'agissant de ces « risques divers », ils dominent un marché où les risques se matérialisent peu. Au-delà, comment parviennent-ils à des profits bien supérieurs en auto? Ou habitation, secteur dans lequel  le Crédit Mutuel affiche une rentabilité cinq fois supérieure à celle du marché, tandis que BNP Paribas est plus de quatre fois au dessus ?« Les mots clés sont sélection, tarification et segmentation », répond Cyrille Chartier-Kastler, président de Facts & Figures.Dans les banques, les commerciaux ont des consignes très strictes : ne proposer de l'assurance qu'à de bons risques, ou tout au moins moyens. S'ils oubliaient cette politique, leur feuille de paie la leur rappellerait sans délai: dans certains cas, leur rémunération dépend non pas du nombre de contrats vendus mais du résultat technique atteint. Autant faire attention… Ainsi, on proposera de l'assurance habitation surtout aux propriétaires, dont on sait qu'ils génèrent moins de sinistres que les locataires. Quant aux habitants de zones inondables, pas question de les assurer. L'assureur fait partie des rares professions autorisées, légalement, à refuser la vente… Les mutuelles, en revanche, se refusent à pratiquer une telle sélection.Les mutuelles refusent la sélectionEt, s'agissant de cet exemple des zones inondables, elles ne veulent pas pratiquer des tarifs correspondant au risque réel. Au contraire, la tarification est le deuxième maître mot des banquiers, qui pratiquent des tarifs strictement ajustés aux risques, quand les mutuelles ont plutôt tendance à … mutualiser. Ainsi, la Maif refuse de surtaxer les jeunes conducteurs, ce qui correspond à sa philosophie, mais nuit à sa rentabilité. La segmentation va de pair: les bancassureurs cantonnent clairement les clientèles moins rentables, pour leur appliquer des tarifs élevés. Soit ces clients acceptent le contrat, soit ils vont voir ailleurs.      
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.