Défense : des milliards d'économies grâce à la mutualisation des équipements ?

Mutualiser, mutualiser, mutualiser... En période de contraintes budgétaires fortes, la mutualisation des équipements militaires entre pays européens apparait comme la nouvelle martingale. La directrice exécutive de l\'Agence européenne de défense (AED), Claude-France Arnould, a ainsi estimé devant la commission des affaires étrangères et de la défense dy Sénat,  que \"si nous nous mettions ensemble au niveau européen, nous pourrions faire 1,8 milliard d\'euros d\'économies dans le spatial, 5,5 milliards dans les programmes de véhicules blindés, et 2,3 milliards sur dix ans pour les frégates\". Sans oublier le projet le plus avancé, celui des avions ravitailleurs. Ce programme est d\'ailleurs le projet phare de l\'AED. Après les lacunes observées lors de l\'opération Harmattan en Libye, l\'Europe dispose de vrais atouts opérationnels avec l\'Airbus A330 MRTT, qui représente une solution européenne, et l\'A400M pour le ravitaillement tactique.Code de bonne conduiteLe ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui a participé en novembre à un comité directeur de l\'AED, a engagé la signature de la France aux côtés de la Belgique, de l\'Espagne, de la Grèce, de la Hongrie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Pologne, du Portugal et de la Norvège pour que l\'Europe se dote d\'ici à 2020 d\'une capacité commune d\'avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT). Le 13 décembre, 26 pays membres de l\'AED ont indiqué qu\'ils allaient systématiquement passer en revue leurs programmes en vue de favoriser dans le cadre d\'un code de bonne conduite le \"pooling and sharing\" (union et partage) des capacité de défense dans leurs prochains achats.\"Le code de conduite peut être un vrai tournant\", a assuré Marie-France Arnould. Et d\'expliquer qu\'une \"des idées intéressante qui peut déclencher un véritable engagement est de dire que l\'on accorde un plus haut degré de protection contre les coupes budgétaires aux programmes menés en coopération européenne. En d\'autres termes, si tel pays doit pour des raisons économiques faire des coupes dans son budget de la défense, il ne met pas en difficulté les autres pays. Une autre idée intéressante, me semble-t-il, est que l\'on réinvestisse les économies réalisées à travers la coopération, notamment dans la recherche et technologie de défense européenne\".Vers la mutualisation des télécoms militaires Astrium Services a récemment signé un accord-cadre de trois ans avec l\'AED avec pour objectif de fournir au meilleur prix des communications non sécurisées aux armées de cinq pays (France, Italie, Pologne, Roumanie et Royaume-Uni). Un petit test qui permettra de passer à la vitesse supérieure très prochainement. Car lescinq pays européens, qui disposent déjà de leur propre infrastructure de télécoms militaires - France, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie et Espagne -, doivent décider de systèmes de nouvelle génération entre 2017 et 2025. \"Le spatial militaire n\'a pas très bien marché, alors que c\'est très important aussi : il nous faut par exemple préparer la prochaine génération de moyens de communication satellitaire\", a fait valoir Marie-France Arnould.En France, les mentalités commencent aussi à changer. Pour les satellites, en matière de télécommunications, nous sommes dans une problématique de renouvellement, a récemment expliqué le chef d\'état-major des armées, l\'amiral Edouard Guillaud. Les Britanniques ont l\'expérience de l\'externalisation puisqu\'ils ont déjà renouvelé une fois leurs satellites et sont en train de négocier leur troisième contrat. Donc, on sait par expérience que l\'externalisation coûte moins cher. C\'est en conséquence une voie sur laquelle il convient de s\'engager\". Chez les industriels, on reste prudent. \"C\'est facile d\'avoir aujourd\'hui ce discours car le temps des décisions est encore très, très loin\", explique-t-on.La mutualisation, une auberge espagnole ?Jusqu\'où peut aller la mutualisation des matériels de défense entre les différentes armées européennes ? Pour le ministre de la Défense, la mutualisation est plus que jamais l\'une des pistes pouvant nous permettre de résoudre l\'impossible équation entre la situation géostratégique et la situation budgétaire. Selon Jean-Yves Le Drian, elle est opportune dans un contexte de réduction des budgets de la défense. Il avait d\'ailleurs précisé sa stratégie début octobre à l\'Assemblée nationale : \"nous devons poursuivre le nôtre (réduction du budget, ndlr) tout en favorisant le partenariat avec nos partenaires européens. C\'est à cette seule condition que notre défense sera en mesure de répondre aux menaces futures. En effet nous ne pourrons pas y arriver tout seul, nos voisins non plus\".En revanche, le chef de l\'état-major des armées, l\'amiral Edouard Guillaud, est plus que mitigé sur le concept. \"La notion de mutualisation capacitaire est une auberge espagnole, comme le pooling and sharing ou la smart defence, avait-il expliqué mi-octobre à l\'Assemblée natuonale. Si j\'y suis extrêmement favorable, je suis aussi très prudent. Avant de mutualiser, il faut avoir un accès garanti, ce qui relève du politique, et très bien connaître l\'autre, pour ne parler que du bilatéral\". Pour l\'amiral Guillaud, il est aussi \"plus facile politiquement et diplomatiquement de mutualiser des capacités de défense ou de résilience que des capacités offensives\". Dans ce contexte, la France travaille avec l\'Allemagne en vue de \"rapprocher les services de santé\". \"D\'autre part, il est plus facile à deux pays de la même taille de mutualiser, avait rappelé le chef d\'état-major des armées. Enfin, il existe des stratégies de niches, comme en développent les Néerlandais ou les Danois\". Et de conclure, \"la mutualisation n\'est pas la panacée, mais seulement un outil parmi d\'autres\".
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