Dina et Lydia,

Gare de Nice, 1943. Lydia Delectorskaya (1910-1998), la fidèle assistante d'Henri Matisse, dont elle a été le modèle quatre ans durant, attend le train de Perpignan. À son bord, Dina Vierny (1919-2009), muse et modèle d'Aristide Maillol, résistante de la première heure fraîchement libérée du joug de la Gestapo. Mais le sculpteur craint qu'elle retombe entre les mains de l'occupant. Alors, pour l'éloigner du pays catalan jugé trop dangereux, il l'envoie poser pour son vieil ami. Avec cette lettre de recommandation en poche : « Matisse, je vous envoie l'objet de mon travail, vous la réduirez à un trait. » Jalousie de Lydia ? Plutôt le début d'une grande amitié entre deux femmes d'exception.Cette année France-Russie 2010 pourrait d'ailleurs être la leur. Toutes deux sont nées en Russie avant d'émigrer en France où elles ont ensuite magistralement servi l'histoire de l'art. C'est ce que racontera la prochaine exposition du musée Matisse du Cateau-Cambrésis, consacrée à Lydia. Sans oublier l'autobiographie de Dina présentée sous la forme d'une passionnante interview menée par Alain Jaubert (l'homme des « Palettes » d'Arte) aux éditions Gallimard.Aucunes des deux femmes n'était pourtant peintre, ou même modèle professionnel. Dina était encore au lycée quand elle a été présentée à Maillol en 1934. Elle commence par poser, discute longuement avec l'artiste, participe à la création de ses ?uvres, apprend le moulage et le polissage pour l'assister, devient la spécialiste de son travail qu'elle ne va cesser de défendre de par le monde une fois Maillol décédé.Orpheline, Lydia arrive en France en 1928 et commence à travailler pour Matisse quatre ans plus tard. Elle l'aide d'abord à réaliser « la Danse », s'occupe ensuite de sa femme malade, pose pour le peintre quatre ans durant. Elle se dévoue jusqu'à la mort de ce dernier en 1954 et ne cesse de transmettre tout ce qu'elle sait de lui, offrant ses ?uvres aux musées de Moscou et Saint-Pétersbourg.Dina, elle, est allée encore plus loin. Aidée de Matisse, elle ouvre sa propre galerie en 1947 avant d'inaugurer la dynamique Fondation Dina Vierny-Musée Maillol en 1995. Entre-temps, elle installe les statues de Maillol aux Tuileries, défend aussi les artistes russes, fait entrer Kandinsky dans les collections nationales françaises, découvre Poliakoff, révèle Kabakov dont elle parvient à faire sortir clandestinement les ?uvres d'URSS. La France et la Russie ne pouvaient rêver meilleures ambassadrices. Yasmine Youssi« Lydia D., muse et modèle de Matisse » au musée Matisse du Cateau-Cambrésis du 28 février au 30 mai 2010. www.cg59.fr« Dina Vierny, Histoire de ma vie racontée à Alain Jaubert », édition Gallimard, 256 p., 22,50 euros.
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