« La Belle et la Bête », Kiki Smith

Entre elle et la bête, c'est une histoire d'art. D'amour aussi. Un peu comme la réminiscence de l'enfance avec ses peurs et ses désirs mêlés. Chez Kiki Smith, l'art est intranquillité. Que ce soit en sculpture, en peinture ou en dessin, elle ne laisse jamais le corps en repos, qu'il soit humain ou animal.« Le corps est notre dénominateur commun », dit-elle. Elle ajoute « et la scène de notre désir et de notre souffrance ». Se prenant souvent elle-même comme modèle, elle nous entraîne dans des lieux de l'imaginaire où l'on pénètre rarement. Là où il y a des attentes, des rêves souvent proches des cauchemars, des lieux interdits à la morale. Kiki Smith aime jouer les mauvaises filles, jusqu'à sa manipulation des mythes. Voir ce qu'elle peut faire du « Petit Chaperon rouge », ou d'une sainte, n'hésitant pas à se dessiner les bras en croix, comme le Christ, nu en Bikini, jouant avec un arc d'étoiles enchantées.Américaine, née en Allemagne, elle vit et travaille à New York. Par ses choix artistiques parfois radicaux elle a pu être considérée comme une ultraféministe. C'est vrai et faux à la fois. Il y a de la jouissance dans sa représentation du corps, une jouissance assumée, montrée dans ce qu'elle a de plus violent. Une violence qui sacralise et béatifie la féminité. Si la forme est souvent maladroite, enfantine, exprimant une certaine innocence, le propos est profondément pervers. Kiki Smith remet en question tous les codes de la féminité. Dans la sculpture, elle utilise le papier mâché ou plus durement le bronze. En dessin, c'est souvent la plume ou le crayon. Il y a de la frénésie dans l'oeuvre de Kiki Smith, comme si elle voulait s'approprier toutes les identités des figures qui la fascinent, devenir toutes ces femmes, toutes ces bêtes. Mais elle contrôle cette beauté bestiale, la porte à son incandescence pour en faire un acte de volupté insoutenable.Si elle fut un temps ignoré, Kiki Smith est aujourd'hui reconnue comme une artiste dans la lignée d'une Louise Bourgeois. Elle est défendue à Paris depuis des années par la Galerie Lelong. Ses oeuvres sont plus particulièrement appréciées aux États-Unis. On les trouve aussi bien au Moma, au Guggenheim Museum qu'au Whitney Museum. Sa cote sur le marché de l'art est des plus confortables. Et cependant abordable. Les gravures en galerie valent entre 900 et 9.000 euros. Les petits dessins entre 1.000 et 12.000 euros. Et les grands formats sur papier entre 40.000 et 100.000 euros.Jean-Louis Pinte
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