Des 5 millions d'euros mobilisés pour l'événement « Normandie impressionniste », plus de la moitié aura servie à l'exposition du musée des Beaux-Arts de Rouen. À budget exceptionnel, accrochage exceptionnel. Soulignons donc d'emblée le tour de force d'avoir réuni onze des trente toiles de Monet représentant la cathédrale de Rouen. Des oeuvres dispersées entre Belgrade, Los Angeles, Paris ou Boston, qui voyagent peu. C'est en 1882 que l'artiste s'installe dans un appartement puis dans une boutique de lingerie faisant face au monument. Le peintre travaille sur plusieurs toiles simultanément, passant de l'une à l'autre en fonction des variations climatiques et lumineuses. Il quitte rarement ses ateliers improvisés et ne visite d'ailleurs qu'une seule fois la cathédrale, le jour où un enterrement en grande pompe lui obstrue la vue et le contraint au chômage technique. Exposées ensemble, les toiles rendent perceptible l'obsession tenace du peintre. Cet acharnement à saisir l'impalpable, à atteindre un but que lui-même n'aurait su définir. Difficile de ne pas être soufflé par la force qui se dégage des toiles ici regroupées. L'exposition ne doit pas pour autant être réduite à cette seule salle. Les 130 oeuvres présentes forment une cartographie passionnante de Rouen comme source d'inspiration des peintres de l'époque. Il y a par exemple l'Anglais Turner qui, soixante ans avant Monet, signait déjà une splendide aquarelle de l'imposante cathédrale. Plus tard, en 1883, c'est Pissarro qui s'installe dans la ville. D'abord attiré par la campagne, il se laisse surprendre par la modernité de Rouen. Ses tableaux en rendent compte. Aux ciels nuageux se mêlent les fumées des usines et des machines à gaz, les cheminées côtoient les clochers, l'industrialisation est en marche.Pissarro fera des émules. Plusieurs artistes s'inspirent de son travail. Angrand, Delattre, Lemaître, Frechon font partie de l'école de Rouen qui a, depuis, été quelque peu oubliée mais que l'exposition s'attache à réévaluer. C'est aussi l'une des forces de l'accrochage. Au milieu des toiles célèbres, chacun pourra découvrir quelques trésors méconnus. Olivier Le Floc'h, à Rouen

latribune.fr

18 Juin 2010, 16:03

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