Sweet bureauOn n'a jamais su qui l'avait vraiment pondue, cette note sur la grippe, mais elle nous a rendus malades. On serait tous catalogués, encodés. Destinée à la direction, elle a fini par circuler dans la boîte. Ça avait beau être du charabia d'informaticien « coach頻 par les ressources humaines, le paragraphe qui classait les salariés selon leur utilité était on ne peut plus clair.Les chefs de service étaient invités à cocher les cases d'un tableau Excel, un tableau par service avec la liste des salariés à répartir en trois catégories : une étoile pour ceux qui peuvent travailler chez eux, deux étoiles pour ceux qui doivent être présents à condition qu'ils n'habitent pas trop loin et trois étoiles pour les indispensables qui seront là coûte que coûte, vaccinés plutôt deux fois qu'une. L'entreprise leur paiera même l'hôtel si nécessaire.figurer dans le tableauEt les autres, ceux qui n'ont pas d'étoile ? Pas besoin de cocher. Présents ou absents, morts ou vifs, l'entreprise peut poursuivre sa route sans eux. C'est précisé dans la note et ce sera confirmé par les chefs de service. Les inutiles pensaient au moins être la goutte d'huile dans les rouages.Ils ont senti le danger. Ils résistent. Quand ils toussent, c'est une allergie aux produits désinfectants ou le microrhume de leur petit dernier. Ils n'ont jamais été aussi fragiles et aussi résistants, devenus, avec la crise, des meubles qu'on déplace pour boucher les trous et éviter les courants d'air. Quelle tactique adopter pour se rendre indispensable ? Des salamalecs ? Travailler jour et nuit ? Offrir des cafés aux chefs de service ? Faire ami-ami ? Il reste peu de temps pour décrocher une étoile. La pandémie approche, il y a un premier cas à la compta. Il y en a déjà qui font de mauvaises blagues. Avec cette grippe, on va s'apercevoir que la boîte tourne finalement très bien avec un effectif réduit. Ça pourrait donner des idées à la direction.

latribune.fr

18 Sept 2009, 1:50

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