dates clés de la prise de conscience écologique

Sale temps pour le Giec. Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat est la cible d'un déchaînement de critiques sur Internet depuis quelques mois. Florilège?: « Le réchauffement climatique n'est qu'un fantasme gauchiste. » « Une mystification pour lancer un capitalisme vert. » « Je ne dis pas que le Giec est composé de cyniques irresponsables, je dis juste que ce sont des irresponsables ? dans les faits. »... La cause de ce déchaînement?? Une poignée de chercheurs (des Britanniques du célèbre Centre de recherche en météorologie Hadley et de l'université d'East Anglia, et des Allemands de l'université de Kiel) ont récemment brouillé le message martelé depuis vingt ans par le Giec sur le réchauffement climatique. Le Giec affirme que le phénomène résulte de l'accumulation des gaz à effet de serre (GES) dont l'activité humaine est en bonne partie responsable. Mais selon ces laboratoires allemand et britannique, la température du globe se serait quasi stabilisée entre 1998 et 2008. Et pourrait même redescendre durant une, voire deux décennies. Dans le camp, très minoritaire, des sceptiques, on croit l'heure de la revanche sonnée. Une fausse note qui tombe au pire moment, quelques jours avant la conférence onusienne sur le climat, à Copenhague, qui traitera du dispositif international à mettre en ?uvre contre les changements climatiques. Créé en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) à la demande du G7, le Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat) est à l'origine de quatre rapports qui ont façonné l'opinion publique. « Un cri d'alerte, voilà notre mission », se flatte aujourd'hui Jean Jouzel, co-président de l'un des groupes qui composent ce vaste réseau d'experts (climatologues, écologues, biologistes, géographes, sociologues et économistes). En l'espace d'une décennie, le Giec a rallié à sa cause les hauts dirigeants politiques du monde, prêts à bouleverser à grands frais nos modes de vie et de consommation dans l'espoir de réduire les émissions de CO2. Et il a convaincu la presse, relais de ses rapports « événements ».Le premier rapport, en 1990, a confirmé les informations scientifiques à l'origine des préoccupations sur le changement climatique et conduit à la création de la Convention climat de l'ONU lors du sommet de Rio (1992)?; le deuxième, cinq ans plus tard, apporte les bases nécessaires à l'adoption du protocole de Kyoto (1997), premier traité international contre le réchauffement?; le troisième, en 2001, comporte pour la première fois une synthèse destinée aux décideurs politiques?; le dernier, en 2007, enflamme les débats lors de la conférence sur le climat de Bali. C'est à lui que le monde doit l'obsession d'une diminution des émissions des pays industrialisés de CO2 de 25 % à 40 % d'ici à 2020 si l'humanité veut empêcher la température mondiale de grimper au-delà de 2 °C d'ici à la fin du siècle et la concentration de CO2 dans l'atmosphère de dépasser les 450 ppm (parties par million). C'est à ce rapport que l'humanité doit d'être hantée par la menace d'événements climatiques extrêmes (ouragans, pluies diluviennes, sécheresses?).Son efficacité redoutable, le « Giec » la tire d'une mission inédite. « Chaque rapport du Giec fait l'état des lieux des recherches mondiales les plus abouties sur le climat », explique Jean Jouzel. Une mégasynthèse négociée mot après mot. « Pas question de prendre en considération des études trop récentes », souligne pour sa part Stéphane Hallegatte, chercheur à Météo France, et membre du Giec. « La somme constituée, environ 3.000 pages, fait l'objet de commentaires par la communauté scientifique puis par des représentants des instances gouvernementales », ajoute-t-il. Une première série de résumés d'une cinquantaine de pages est extraite de cette somme, puis une deuxième encore plus condensée pour les décideurs politiques. « Puis intervient la phase d'adoption du rapport par les représentants de gouvernements, toute modification éventuelle devant s'appuyer sur le rapport complet, ce qui garantit que le résumé adopté en est l'expression », poursuit encore Jean Jouzel. Pour le quatrième rapport, « 800 scientifiques ont rédigé les pages en signant de leur nom, et 2.000 relecteurs ou commentateurs ont été mobilisés », rappelle Stéphane Hallegatte. « Avec le Giec, les scientifiques doivent accepter de remettre en cause leurs travaux, de se mettre en danger, d'autant que le Groupe est ouvert à tous ceux qui veulent formuler une remarque », explique Hervé Le Treut, coauteur de l'un des rapports du Giec (il vient de publier « Nouveau Climat sur la terre » chez Flammarion). Spécialiste du rôle des nuages depuis vingt ans, ce scientifique ne comprend pas les critiques formulées par le géophysicien Vincent Courtillot, qui accuse les travaux du Giec d'avoir fait l'impasse sur ce paramètre. Autre climato-sceptique, Claude Allègre, qui ne revendique aucun travail de recherche sur le climat, juge aberrante l'intrusion des gouvernements dans l'élaboration des rapports du Giec.Les martyrs de la cause climatique?? On en compte dans les deux camps. Côté sceptiques, Richard Lind­zen, professeur au MIT, a fini par claquer la porte du Giec après avoir estimé que ses objections sur les rétroactions climatiques n'étaient pas entendues. Dans un article publié par le « Wall Street Journal » il y a trois ans, il rappelle les mises à l'écart de ses confrères Henk Tennekes (Pays-Bas), Aksel Winn-Nielsen (WMO-OMM), Alfonso Sutera et Antonio Speranza (Italie), coupables d'avoir émis des doutes sur la thèse du réchauffement. Côté climato-convaincus, James Hansen, chercheur au Goddard Institute for Space Studies (Nasa), a dû endurer les pressions de l'administration Bush, contrariée par ses appels à réduire le CO2 en raison du réchauffement. En 2001, cette même administration demande à l'Académie des sciences américaine un contre-rapport Giec. Mais « les conclusions de l'Académie des sciences [?] reconnaissent le ?travail de synthèse admirable? du Giec et précisent que le Groupe d'experts est « effectivement représentatif de la communauté scientifique », raconte Jean Jouzel dans son livre « Climat?: jeu dangereux ».À l'origine du doute, Margaret Thatcher, l'ancien Premier ministre britannique, a dès le départ été accusée d'instrumentaliser les interrogations sur le climat pour mieux dissimuler sa stratégie d'émancipation énergétique du Moyen-Orient. Mais, « de là à prétendre que le monde est manipulé par une brochette de scientifiques? », s'impatiente Stéphane Hallegatte. « C'est vrai que les crédits accordés à la recherche sur le climat ont beaucoup augmenté ces dernières années, mais ce n'est pas l'appât du gain qui pousse les climatologues à tirer la sonnette d'alarme. D'ailleurs, ils travaillent bénévolement pour le Giec », souligne-t-il. Reste la complexité du sujet, propice aux malentendus. S'il envisage l'hypothèse d'une baisse de la température au cours des prochaines années, le professeur Mojib Latif, de l'Institut Leibniz des sciences marines à Kiel, ne remet toutefois pas en cause la thèse du réchauffement. « Ce qui compte, c'est la tendance sur plusieurs décennies », estime Jean Jouzel. Les températures qui cessent momentanément de s'élever?? « Des oscillations autour d'une moyenne », explique Stéphane Hallegatte. « C'est comme la marée montante, certaines vagues montent moins haut que d'autres, mais au total, la marée va quand même recouvrir la plage », poursuit-il. Et de rappeler que, durant les années 1990, la température s'est élevée plus vite que ce que prétendaient les modèles. La France a gagné 0,4?°C au lieu de 0,25?°C attendu. « Le plus bizarre, c'est que les gens semblent mieux comprendre le problème des changements climatiques, phénomènes très complexes, que celui de l'érosion de la biodiversité, qui passe assez largement inaperçu », s'étonne Guillaume Sainteny, ancien directeur des études au ministère de l'Écologie.Avec la thèse du réchauffement d'origine anthropique, nombre de climatologues pensent tenir une solide explication à leurs observations. D'ailleurs, imperturbable, le Giec vient de lancer son cinquième rapport. « En juillet, nous étions environ 200 experts à mettre sur pied le plan du prochain rapport qui devra être approuvé début octobre », précise Stéphane Hallegatte, pour une publication en 2014. Même si le doute est inhérent à la science encore jeune du climat. n Margaret Thatcher, ex-Premier ministre britannique, a été accusée d'instrumentaliser les interrogations sur le climat au profit de sa stratégie d'émancipation énergétique du Moyen-Orient.1972 : conférence de Stockholm, puis création du Pnue (Programme des Nations unies pour l'environnement).1988 : création du Giec.1992 : sommet de Rio.1997 : sommet de Kyoto.
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