Les banques centrales se ruent sur l'or

La ruée vers l'or à laquelle on assiste a ceci de particulier que les acteurs en sont les banques centrales, déjà gavées de réserves de devises record. Avides de prendre une assurance contre les remous monétaires qui secouent le monde en cette période de sortie de crise poussive, les instituts d'émission du Nord comme du Sud stockent jalousement le prestigieux métal qui dort dans leurs coffres ou augmentent leur trésor de guerre.Les pays signataires de l'accord de Washington de 1999, tout récemment renouvelé, qui limite le montant cessible par les banques centrales participantes à 400 tonnes par an d'ici à 2014, ne se départissent plus que d'une part minime de leur encaisse. De leur côté, les instituts d'émission des pays émergents, dont l'or constitue généralement moins de 10 % des réserves de change, raflent toutes les quantités disponibles sur le marché. L'Inde a déjà acquis, au début du mois, 200 des 403,3 tonnes d'or que le FMI entend vendre et, hier, l'île Maurice a annoncé en avoir acheté 2 tonnes. Entre-temps, le Sri Lanka aurait acquis quelque 5 tonnes de métal précieux et un nouveau gros acquéreur se profile. La Banque de Russie a affiché son intention de racheter l'intégralité de l'or que le Fonds russe des métaux précieux, le Gokhran, envisage de céder, soit jusqu'à 50 tonnes. Et ce n'est que la partie visible de l'iceberg. La Chine a porté ses réserves d'or de 600 tonnes à 1.054 tonnes en mai, mais le Brésil, la Corée du Sud, le Japon ou Taiwan sont sur les rangs, soucieux de diversifier leurs actifs de réserve. Résultat : pour la première fois depuis 1998, les banques centrales devraient redevenir acheteuses nettes d'or cette année.de record en recordLes gardiens de l'ordre monétaire mondial contribuent ainsi à propulser l'once de métal jaune de record en record, le dernier en date l'ayant entraîné dans la nuit de lundi jusqu'à 1.144,20 dollars l'once. La « relique barbare », dénoncée en son temps par John Maynard Keynes, a retrouvé toute sa magie, au point de redevenir l'actif monétaire le plus choyé.Mais l'engouement des banques centrales a un revers : la corrélation inverse entre le cours de l'or et celui du dollar s'est renforcée depuis le printemps, accentuant les pressions baissières sur le billet vert au moment où gronde la contestation sur son rôle de monnaie de référence internationale. Pas plus tard qu'hier, le FMI, par la voix de Dominique Strauss-Kahn, a estimé que si le monde voulait bénéficier d'une plus grande stabilité monétaire, il ne pouvait plus dépendre d'une seule monnaie de réserve, comme c'est le cas depuis l'abandon de l'étalon or. Réaliste, le directeur général de l'institution a évoqué un DTS élargi (droit de tirage spécial) sans oser mentionner le retour au « gold exchange standard » qui a pourtant ses nostalgiques : si quelque 30.000 tonnes d'or sont stockées dans les Fort Knox du monde entier, soit le quart de la production mondiale jamais extraite, on imagine les niveaux stratosphériques que devrait atteindre l'once de métal pour devenir l'unité de compte d'une économie mondialisée. Valorisé à 1.100 milliards de dollars, le trésor de guerre des banques centrales n'équivaut même pas à un jour de transactions sur le marché des changes, où il se négocie près de 4.000 milliards de dollars.
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