Comment calmer les cours des matières premières agricoles ?

La lutte contre la volatilité des matières premières agricoles, évoquée par le président de la République qui en a fait un des dossiers clés du G20, revêt un caractère d'urgence. En effet, selon la FAO (Organisation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture), les échanges de denrées alimentaires représenteront 1.000 milliards de dollars cette année, revenant quasiment à leur niveau de 2008 (1.030 milliards), l'année des émeutes de la faim. Un chiffre qui renvoie directement aux cours des céréales, dont l'accélération à la hausse n'avait jamais été aussi brutale depuis 1972, une année de forte sécheresse. Les cours du blé ont bondi de 60 % depuis la fin juin, le maïs de 27 %, le sucre de 30 %. L'indice S&P GSCI Agri, qui inclut aussi des denrées comme le coton et le jus d'orange qui n'ont pas échappé au rally, affiche un rebond de 45 %. Et ce, malgré une brusque rechute.Les marchés sont violemment repartis à la baisse ces trois derniers jours, alors que la Chine menace d'encadrer les prix des denrées alimentaires, et surtout de relever ses taux d'intérêt. Une hypothèse déprimante pour les matières premières, puisqu'elle affaiblirait le pouvoir d'achat du premier pays acheteur. Et qui illustre la forte interdépendance des économies mondiales, accentuée par la dérégulation dont la réforme de la PAC fait partie. « Si la rumeur d'un relèvement des taux d'intérêt en Chine fait baisser les prix du maïs à Paris, comment voulez-vous que la France reprenne la main sur la volatilité des cours ? » s'interroge Michel Portier, PDG d'Agritel, une société de conseil sur les marchés agricoles. C'est pourtant le tour de force auquel doit s'atteler le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, dans le cadre du G20, un théâtre d'ordinaire réservé aux ministres des Finances. Au menu, les mesures envisageables traitent notamment de l'amélioration de l'information sur les stocks et les récoltes. Un sujet délicat, tant les matières premières agricoles sont aussi stratégiques. La principale référence actuelle, celle du ministère de l'Agriculture américain, l'USDA, est rarement objective sur la production européenne de blé, avec laquelle les fermiers du Midwest sont en concurrence. Ainsi cet été, l'USDA a tardé à réviser à la baisse ses estimations de production européenne, faussant la perception globale. La FAO pourrait être appelée à fournir une information plus exhaustive - à condition qu'on lui en donne les moyens... Mesurettes contre chaosParmi les autres pistes de réflexion, le recours maîtrisé aux marchés financiers, leur régulation, ou encore, l'incitation à la création de réserves sont à l'étude. Des mesurettes au regard du chaos créé cet été par la météo, certes, mais aussi par des décisions politiques. La sécheresse dans les pays de la mer Noire, les inondations au Pakistan ou encore des pluies diluviennes en Asie ont dévasté des milliers d'hectares de blé, de canne à sucre, de riz. Mais l'envol des cours a été favorisé par l'embargo total de la Russie sur ses céréales, qui a forcé de nombreux acheteurs, dont l'Égypte, premier acheteur mondial, à se retourner in extremis vers d'autres sources. Sur le sucre, les atermoiements de l'Inde, qui hésite à autoriser les exportations de son énorme récolte alors que tous les autres pays producteurs ont subi des problèmes, exposent encore plus clairement ce réflexe de cavalier seul des États quand il s'agit de denrées alimentaires.
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