Un tramway dont tout le monde descend

Oubliez l'auteur. Oubliez Blanche DuBois, la Louisiane, « Un Tramway nommé Désir ». Au Théâtre de l'Odéon, le metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski se sert de la pièce de Tennessee Williams pour faire des variations on ne sait trop sur quoi, tant elles sont vides de sens.L'histoire de cette paumée en quête d'identité et d'amour qui se réfugie chez sa soeur ne semble pas beaucoup l'intéresser. Pour qui ne connaîtrait pas le thème, bien malin qui comprend quelque chose à l'action, tellement fragmentée et dénaturée. D'autant qu'en dehors d'une traduction pas des plus subtiles du dramaturge Wajdi Mouawad, Warlikowski a ajouté des textes de Platon, Sophocle, Flaubert, Dumas fils, d'autres encore, et pour le pire : Coluche. Et pourquoi ? Parce qu'il a voulu donner « accès au paysage mental » de Blanche. On n'en demandait pas tant.Si vous ne le savez pas, elle a été professeur de littérature. Ce qui nous vaut des monologues d'un ennui abyssal, très souvent sans rapport entre eux. Warlikowski nous ressort la même dramaturgie fourre-tout que son spectacle précédent « (A)pollonia ». Paradoxe. Parce qu'au milieu de ce fatras pseudo-intellectuel, l'héroïne n'est plus qu'un pantin sexué qui erre d'une robe à l'autre, sans vraiment comprendre ce qu'elle veut.Ce spectacle serait d'une totale inanité s'il n'y avait Isabelle Huppert. Au théâtre, plus qu'au cinéma où son jeu est plus que monocorde, elle subjugue. Hallucinant ce qu'elle peut mettre dans son rôle de dangereuse folie. Un jeu tout en déséquilibre. Au bord du gouffre. Une mise en danger du corps et de la raison rarement vu sur scène. Elle domine une distribution d'une fadeur extrême, en particulier l'idole de Warlikowski, le comédien Andrzej Chyra, un Stanley aussi sexy qu'un pied de chaise Henri II. Quand à la fin de cette représentation, qui dure trois heures sans entracte, un spectateur crie « piti頻, il nous délivre soudain de notre révolte et de notre colère. Ce n'est pas le théâtre qu'on a tué, mais Tennessee Williams que l'on vient d'assassiner. Et du public qu'on s'est moqué. Jean-Louis Pinte
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